Métrique en Ligne
BRS_1/BRS43
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LA HAINE
LES LARMES
Tu pleures toutes tes larmes…
Oh ! le jour qui finit si bleu, 8
Oh ! l'ombre dont la chambre est pleine… 8
Je me penche et te vois à peine, 8
Je me penche et t'adore un peu ! 8
5 Tranquille avec ta robe noire 8
Dans la vieille et riche maison, 8
Tu pleures ; je sens le frisson 8
Qui te prend dans sa pauvre gloire !… 8
Et ton chagrin vient t'éplorer, 8
10 Et tes larmes s'attristent toutes ; 8
C'est comme si tu les écoutes 8
Et que tu pleures de pleurer. 8
Tu pleures, tant ta peine est grande, 8
Dans un désert, sans rien savoir… 8
15 Et moi, debout auprès du soir, 8
Je suis triste comme une offrande. 8
Je m'approcherai si tu veux, 8
Avec un trésor d'humble attente, 8
Et ce sera la paix mourante 8
20 Comme le soir sur tes cheveux. 8
Parmi tant de choses dolentes, 8
J'écoute ton rayonnement, 8
Et tu pleures si doucement 8
Qu'on dirait un peu que tu chantes… 8
25 Je ne peux rien, je ne peux rien, 8
Mais je sens que tout se dépouille, 8
Et prés de toi je m'agenouille 8
Dans le pauvre calme qui vient. 8
Oh ! le vieux soleil dont se dore, 8
30 Après tant de jours révolus, 8
Le peu de bonheur qu'on n'a plus, 8
Que notre même oubli l'adore ! 8
Quelque chose enchante ta voix 8
Dans une confuse harmonie. 8
35 Ta douleur est presque bénie, 8
Enfant, tu penses à la croix… 8
On pleure quand on s'apitoie, 8
Quand on est doux et qu'on veut bien… 8
Lorsque l'on souffre, on n'est plus rien, 8
40 Mais pleurer, c'est pleurer de joie… 8
À genoux au soir d'abandon 8
Qui nous assombrit de ses vagues, 8
Nous tous les pauvres et les vagues, 8
Nous tous qui pleurons, nous donnons. 8
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