Métrique en Ligne
BRS_1/BRS10
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
TRÈS VIEUX RÊVES
CAUCHEMAR
Le vol sombre et les yeux perdus…
Je vois s'ouvrir la nuit livide 8
De remords fous et de regret. 8
Dans tous les chemins où j'irai 8
Je sentirai ta place vide. 8
5 Les flots pâles et lourds en chœur 8
Chantent l'hymne de la tourmente, 8
Et je crispe ma main vivante 8
Sur les battements de mon cœur. 8
Je vois, pressés dans la pénombre, 8
10 Les cavaliers de cauchemar 8
Qui suivent le grand chef hagard 8
Brandissant la bannière d'ombre. 8
Spectre effaré, spectre du mal, 8
Roi morne, tu fuis d'épouvante 8
15 Dans le flot indécis que hante 8
La crinière de ton cheval ! 8
Ils vont dans un galop suprême 8
Courbés devant ce que je fus, 8
Je vois leurs grands gestes confus 8
20 Et révoltés sur le ciel blême. 8
Et je veux leurs remords, je veux 8
Le silence affreux de leurs râles, 8
La fixité de leurs yeux pâles 8
Dans l'ouragan de leurs cheveux. 8
25 Oh ! ma douleur n'a pas de cesse ; 8
Mêlant mes amours et mes deuils, 8
J'irai rôder dans les écueils 8
Comme le vent et la tristesse. 8
Je suis sous le ciel désolé 8
30 Les phares tristes sur les grèves ; 8
Je suis le silence des rêves 8
Parmi le désert étoilé. 8
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