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Des pirates, servis un jour par le destin, |
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Prirent à l'abordage un vaisseau tarentin. |
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Je vous laisse à penser la joie ! |
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Nos gens de cris victorieux |
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Font retentir l'onde et les cieux. |
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Une galère ! quelle proie ! |
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On admire sa forme, et comme sur les eaux |
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Elle glisse légère et pareille aux oiseaux !… |
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Un seul, dans l'ivresse commune, |
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Est sombre et se tient à l'écart. |
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On s'enquiert d'où lui vient sa tristesse importune. |
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Lui, montrant du doigt un vieillard : |
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« Vous auriez dû jeter cet homme à fond de cale, |
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» Dit-il, avec tous ceux du navire. Je vois |
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» Qu'il s obstine à toucher cette barre de bois. |
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» Quel est son but ? Je crains quelque embûche fatale !» |
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Les autres, aussitôt, Je se moquer : « Eh ! quoi ? |
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» Craindre un vieillard ? quelle apparence |
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» Qu'il puisse nuire ? il se tient coi ! |
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» Fallait-il au pauvre homme infliger la souffrance |
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» Des fers dont nous avons chargé ses compagnons ? |
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» Il peut jouer avec sa barre ; |
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» Ce n'est pas lui que nous craignons ! |
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» Un pirate n'est pas tenu d'être barbare. » — |
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On se trouvait alors vers un rivage ami |
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De Tarente. L'homme, en silence, |
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Incline la barre à demi. |
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Le navire un moment hésite, se balance, |
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Puis cingle vers la terre. En vain l'on fait effort |
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Pour arrêter sa course ; au gouvernail docile, |
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Il fend les flots, il entre au port, |
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Entraîné par la main du vieillard immobile !… |
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Aux imprudents vainqueurs on reprend leur butin. |
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