Métrique en Ligne
BRJ_1/BRJ57
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
LVII
L’IMPÔT
« Que la France agonise et succombe, qu'importe, 12
(Dit ce bourgeois intelligent,) 8
» Si je vis gros et gras quand elle sera morte, 12
» Et si je garde mon argent ?… 8
5 » Doubler, tripler l'impôt, quel crime abominable !… 12
» Ces gens de Tours sont des coquins, 8
» Des bandits, des brigands ! et la Prusse est tenable 12
» Auprès de ces républicains ! 8
» Patience ! le jour du châtiment est proche !… 12
10 » Je vous dis que ces chenapans 8
» Ne raflent nos écus que pour emplir leur poche 12
» Et s'enrichir à nos dépens ! 8
» Et je souffrirai, moi, qu'on me vole et me leurre. 12
» Sans jeter au moins les hauts cris !… 8
15 » De l'argent pour payer la paix, a la bonne heure ? 12
» Mais la paix, que diable !… à tout prix ! » 8
Et ce lâche idiot, plus stupide qu'infâme, 12
Se croît honnête après cela !… 8
Tuez-vous donc le corps et torturez-vous l'âme 12
20 Pour sauver ces citoyens-là ! 8
Hélas ! combien de gens, dont la bassesse affronte 12
Tous les opprobres du vaincu, 8
Trouveront comme lui des milliards pour la honte, 12
Et pour l'honneur pas un écu ! 8
25 C'est parmi nous, en France, au cœur de nos provinces, 12
Que bourdonnent ces lâchetés ! 8
La paix honteuse, avec une escorte de Princes, 12
Sourit à ces esprits gâtés ! 8
Et si leur empereur, dont la plume élabore 12
30 Quelque plaidoyer impudent, 8
Leur revenait jamais, vous les verriez encore 12
Lui faire fête après Sédan !… 8
Oh ! ce n'est pas à lui qu'ils fermeraient leur bourse, 12
Dirai-je leur cœur ?… c'est tout un ! 8
35 Empire impunément peut reprendre sa course ; 12
César ne peut-être importun ! 8
Il peut, à son plaisir, ruiner les familles 12
Avec des emprunts mexicains. 8
Nous écraser d'impôts pour en payer des Biles 12
40 Plus voraces que des requins, 8
Présenter chaque année à ses chambres dévotes 12
Un budget qui leur fait affront ; 8
N'importe ! il est césar ! Six millions de votes ! 12
Et les brutes applaudiront ! 8
45 Mais que la République, en un danger suprême, 12
Fasse appel à tout citoyen, 8
Ces cœurs doublés d'écus lui jettent l'anathême. 12
Et font des vœux pour le Prussien !… 8
Eh quoi !… Vos millions, si la barque chavire. 12
50 N'atteindront pas même le port ! 8
Comprenez donc qu'il faut, pour sauver le navire, 12
Jeter l'argent par-dessus bord ! 8
D'autres donnent leur sang, d'autres donnent leur vie ; 12
Et vous marchandez un denier !… 8
55 Ah ! ne l'accusez plus, ce Paris que l'envie 12
Est si prompte à calomnier ! 8
Ne lui demandez plus de quel droit il s'appelle 12
Votre maître, ô cerveaux étroits ; 8
Car il vous répondrait, dans sa grandeur nouvelle : 12
60 « Les maux soufferts ont fait mes droits ! » – 8
Oui, Paris a commis dos fautes, je l'avoue : 12
Boulevard du petit crevé, 8
Il a traîné vingt ans ses vertus dans la boue !… 12
Mais comme il s'en est relevé !… 8
65 C'est le fils de famille, amolli par le vice, 12
Joueur,libertin, suborneur, 8
Mais qui retrouve encore au jour du sacrifice 12
Le chemin sacré de l'honneur !… — 8
Vous, satisfaits, repus, fidèles à vos haines 12
70 Ainsi qu'à vos dévotions, 8
Vous portez dans vos cœurs, vous portez dans vos veines 12
La pire des corruptions ! 8
Béatement confits dans un bien-être immonde, 12
Privés de sens et de raison, 8
75 Vous ne comprenez pas que la chûte du monde 12
Change un clou dans votre maison ! 8
Pour ne pas déranger vos chères habitudes, 12
Vous traîneriez tous les boulets ; 8
Vous subiriez encor toutes les servitudes, 12
80 Plus zélés que tous les valets ! 8
Vous gorgeriez l'empire avec idolâtrie, 12
Prosternés, rampants, à genoux ; 8
Et vous criez vengeance à Dieu, si la patrie 12
Vous coûte un écu de cent sous !… 8
85 Malheureux !… songez-vous quand les mères s'effrayent 12
De ce bruit sourd et menaçant, 8
Qui monte, qui grandit, qui vient… que d'autres payent 12
L'impôt des larmes et du sang ?… 8
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