Métrique en Ligne
BRJ_1/BRJ35
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
XXXV
LES GRANDES EAUX
C'est la fête de Fritz !… Il faut une victoire 12
Au zèle de ses courtisans ! 8
On fait par des uhlans massacrer, après boire, 12
Quelques bandes de paysans ! 8
5 Le myrte et le laurier composent les offrandes 12
Dont on embellit son séjour ; 8
On suspend aux maisons de champêtres guirlandes, 12
Où s'attachent des lacs d'amour ! 8
Fête au palais de Fritz ! fête dans les familles ! 12
10 Par les mains de Vénus armé, 8
C'est le prince charmant, rêvé des jeunes filles, 12
Le Fritz vainqueur et bien-aimé !… — 8
Faites-mieux ! Vous avez les jardins de Versailles ; 12
Neptune, en son lit de roseaux, 8
15 Semble rire à Latone, en son lit de rocailles ; 12
Faites jouer les grandes eaux !… 8
Que la fête de Fritz aux gens de la province 12
Donne un spectacle exempt d'effroi ! 8
On peut ressusciter en l'honneur d'un grand prince 12
20 Les nobles plaisirs d'un grand roi !… 8
Dans cette onde, ô Prussiens, plongez ces mains impures 12
Où tant de forfaits sont tracés ! 8
Il faut les grandes eaux pour les grandes souillures : 12
Vous n'en aurez jamais assez !… 8
25 Ah !… voilà que le ciel est aussi de la fête !— 12
Il roule ses nuages gris, 8
Comme un dais de velours suspendu sur la tête 12
De votre incomparable Fritz ! 8
Voici la pluie !… enfin !… une averse d'automne, 12
30 Peut-être ?… non ; rare d'abord, 8
Elle envahit l'espace, et tombe, monotone, 12
Partout, sans trève, au sud, au nord, 8
Au levant, au couchant ! Elle tombe compacte ; 12
Elle pénètre jusqu'aux os ; 8
35 Elle tombe en cascade, en fleuve, en cataracte ; 12
Ah ! les voila les grandes eaux ! 8
Qu'en dites-vous, Prussiens ?… Voyez ! les monts ruissellent ; 12
Les nuages silencieux, 8
Escadrons menaçants, surgissent, s'amoncellent, 12
40 Courent, escaladent les cieux !… 8
Encor, toujours !… — Là-bas, sur la terre allemande, 12
Le foyer, le feu de sarment, 8
La table au linge blanc et l'enfant qui demande 12
Chants et baisers en s'endormant !… 8
45 Quel rêve n'est-ce pas ?… et quelle douce image. 12
Quand. frissonnant et mal couvert, 8
La pluie, à flots pressés, vous fouette le visage. 12
Avec les premiers vents d'hiver !… 8
Mais— quoi ! Les grandes eaux accomplissent leur tâche ; 12
50 C'est la fête de Fritz !… — Demain, 8
Elles vont devenir, si novembre se fâche. 12
Neige et verglas sur le chemin !… 8
Puis le dégel !… Alors les routes effondrées. 12
Les fleuves grossis en un jour ; 8
55 Le livide typhus, entre ses dents serrées, 12
Donnant le signal du retour !… 8
Et ces fiers escadrons de Fritz et de Guillaume 12
Embourbés, engloutis, errants ; 8
Et la Bérésina passant comme un fantôme 12
60 Devant le regard des mourants !… 8
C'est la fête de Fritz !… Enflés de vos conquêtes, 12
Avec orgueil célébrez-là ! — 8
Ah ! c'est des grandes eaux que vous parez vos fêtes ? 12
Eh bien, mes amis, les voilà !… 8
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