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Bismark, j'ai soif ! |
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Bismark, j'ai soif ! — Sire, c'est d'un grand cœur |
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La soif est le droit du vainqueur. |
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— C'est pardieu vrai ! Nous avons la victoire |
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Il est doux de rire et de boire ! |
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A nous Strasbourg ! à nous Toul et Poissons |
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Metz a beau faire des façons, |
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Il faudra bien quelque jour qu'elle y vienne ; |
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Il n'est virginité qui tienne !… |
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Tu vois que j'ai de l'esprit par accès, |
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Ni plus ni moins que ces Français ! |
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Eh !eh ! J'ai soif ! |
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Eh !eh ! J'ai soif ! — Sire, la gloire altère. |
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— Oui !… Je veux conquérir la terre ! |
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Pour commencer, j'ai dit à mes valets |
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De mettre à sac tous les palais ; |
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Le mobilier de Compiègne est en route ; |
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Pour Augusta rien ne me coûte !… |
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J'ai soif ! |
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J'ai soif ! — C'est donc que Votre Majesté, |
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Sire, veut boire à sa santé ? |
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— Précisément !… En un mot, j'exproprie. |
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Je crois par là, sans vanterie, |
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Me distinguer des autres conquérants, |
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Et je dis même les plus grands ! |
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Je dois à Fritz un mot plein de sagesse, |
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Un mot charmant : Sauvons la caisse !… |
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Cher Fritz !… J'ai soif ! |
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Cher Fritz !… J'ai soif ! — Nos soldats brûlent tant |
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Qu'on peut en être haletant, |
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Sire ! |
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Sire ! — En effet !… Je viens même d'apprendre |
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Que Châteaudun était en cendre. |
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Ne faut-il pas que l'on se chauffe un peu ? |
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Le temps fraîchit ; faisons du feu ! |
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Je me promets, pour la fin de l'automne, |
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D'incendier leur Babylone. |
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Paris flambant sera d'un bel effet ! |
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Pour expier notre méfait, |
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Augusta peut envoyer aux victimes |
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Trois mille francs, plus des centimes !… |
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J'ai soif ! |
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J'ai soif ! — De vaincre et d'être généreux, |
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Sire ! vos peuples sont heureux ! |
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— Oui !… toi, Bismark, tu comprends ma grande âme ; |
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Eh bien, vois un peu : c'est infâme ! |
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Ces gredins-là se plaignent d'avoir faim, |
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Sous prétexte qu'ils sont sans pain ! |
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Les orphelins, les femmes et les veuves |
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De leurs pleurs grossissent les fleuves. |
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Ils me feront du chagrin, tu Terras ! |
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Va ! tous les peuples sont ingrats !… |
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Eh ! s'ils ont faim, c'est le moins qu'ils me doivent |
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De faire comme moi !… Qu'ils boivent ! |
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Ai-je faim, moi ? J'ai soif ! |
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Ai-je faim, moi ? J'ai soif ! — Libation |
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Permise à votre émotion, |
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Sire !… On boit fort quand le cœur est sensible ! |
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— Oui, je suis ému, c'est possible ; |
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Du vin, parfois, j'éprouve cet effet, |
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Que je m'attendris tout à fait. |
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Vois-tu, Bismark, l'honneur du rang suprême |
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Ne suffit pas ; il faut qu'on m'aime ! |
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Eh bien, de voir que je suis méconnu, |
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(Tu vas me trouver ingénu,) |
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Cela me rend furieux !… Plus de larmes ! |
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Ou je fais passer pour les armes |
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Tous les brigands qui pleureront !… Pourquoi |
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Ma mère a-t-elle dit de moi |
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Que je serais féroce ?… A la malheure !… |
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Puisque je ne veux pas qu'on pleure !… |
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Morbleu ! j'ai soif !… Verse… Et ne réponds pas. |
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Que marmottes-tu là tout bas ? |
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Est-ce le sang qui me tinte aux oreilles |
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Ces noms maudits : Jaumont, Bazeilles ? |
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Aurai-je peur de ces fantômes ?… non !… |
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Les Hoënzo… Diable de nom !… |
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Hoënzollern !… Ma langue s'embarrasse !… |
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Je dis que je suis de leur race !… |
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Mais verse donc ! j'ai soif !… Dieu tout-puissant ! |
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Pourquoi me verses-tu du sang ? |
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