LE FRANC-TIREUR |
XXIII |
L'ARRACHEUR DE DENTS |
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Un charlatan, coiffé d'un casque et sabre en main, |
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Est debout sur son char, au milieu du chemin. |
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Il arrache les dents ; son existence errante |
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S'emploie à soulager l'humanité souffrante. |
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Son zèle pour Bacchas se devine a son né ; |
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Derrière lui se carre un valet galonné, |
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Prêt à jouer de l'orgue. En habits de princesse, |
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Modestement assise, Augusta tient la caisse. |
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— « Militaires, bourgeois et la société ! |
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» J'appelle à moi les cœurs de bonne volonté ; |
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» Quiconque en vos esprits tenterait de me nuire |
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» N'est qu'un sot maladroit qui cherche à vous séduire ! |
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» C'est pour votre bonheur que je viens en ce lieu, |
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» Et mon sabre guérit… par la grâce de Dieu ! |
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» Quand mes clients encor n'en ont pas l'habitude, |
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» Ce sabre leur inspire un peu d'inquiétude, |
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» Je le sais !… mais cela sied-il aux gens d'esprit ? |
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» Mon sabre ne fait pas de mal, puisqu'il guérit ! |
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» Victimes, m'a-t-on dit, d'une imposture énorme… |
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» Vous avez, avant moi, tâté du chloroforme ; |
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» Un charlatan vulgaire et des plus— impudents |
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» A, par son spécifique, endommagé vos dents ! |
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» Je viens les arracher !… que dis-je ?… les extraire ? |
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» Ne jugez pas de moi par ce triste confrère. |
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» Le chloroforme peut amener un malheur ; |
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» J'ai mon sabre, il suffit ! J'opère… sans douleur !… |
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» Voyez, car je m'adresse au pauvre comme au riche, |
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» Les dents du Danemark et celles de l'Autriche ! |
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» Les vôtres sont l'Alsace et la Lorraine !… Eh bien ! |
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» Pour cinq milliards, Français ! cinq milliards ! c'est pour rien |
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» Je vous en débarrasse, et sans anesthésique !… |
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» Cinq milliards !… je lai dit ! cinq !… allez, la musique ! » |
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Maître Guillaume parle, et Bismark aussitôt |
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Tourne sa manivelle avec un œil dévôt, |
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Et couvre les clameurs du patient qui crie |
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D'un air cher aux Français : Partant pour la Syrie ! |
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Septembre 1870
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