Métrique en Ligne
BRJ_1/BRJ18
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
XVIII
SÉDAN
O poète naïf, tu croyais que cet homme, 12
Encor qu'il fût parjure et méprisé des siens, 12
Conserverait du moins au nom dont il se nomme 12
Quelque honneur devant les Prussiens ! 8
5 Certes, ce nom fatal pesait sur notre histoire 12
Comme un linceul de mort ! Sur nous, sur nos aïeux 12
Il dégouttait de sang !… mais, à force de gloire, 12
Il avait ébloui les yeux ! 8
La France, par malheur, au gain d'une bataille 12
10 Mesure trop souvent son amour et son cœur ; 12
Et le premier soudard qui la prend par la taille 12
Devient son maître et son vainqueur ! 8
Il ne lui déplaît pas, même, d'être battue ; 12
Son engoûment pardonne a la brutalité 12
15 D'un amant qui la vole et, parfois, qui la tue, 12
Mais jamais à sa lâcheté ! 8
Celui-là qui pouvait la défendre, la livre ; 12
Il enchaîne ses mains pour la laisser périr ; 12
Mieux encor, pour la vendre !… et, n'ayant pas su vivre, 12
20 Il ne sait même pas mourir !1 8
Vierge folle, c'est Dieu qui punit ta démence ! 12
Les voilà, les vertus de ce noble étranger : 12
Une capote grise, une fade romance, 12
Et la chanson de Béranger ! 8
25 O France, comprends-tu que ces choses sont vaines, 12
Que ce verre, où jadis, assis au coin du feu, 12
L'oncle a bu d'un seul trait tout le sang de tes veines, 12
Se brise aux mains de son neveu ?… 8
Respect, me dira-t-on, aux majestés qui tombent ! 12
30 C'est assez du malheur qui les accable !… — Quoi ? 12
La flamme a dévoré mon toit ; les murs surplombent ; 12
Les plafonds s'écroulent sur moi ; 8
L'incendiaire est-là, qui dans l'ombre s'efface ; 12
Il fuit, lui-même atteint et pâle de terreur ; 12
35 Et je ne pourrai pas lui jeter à la face 12
Un cri de rage et de fureur ?… 8
Soit ! ne le nommons plus ! Qu'il s'esquive, qu'il parte ! 12
Je me tais ! — mais c'est bien entendu désormais, 12
Plus d'Empire, plus d'aigle, et plus de Bonaparte ! 12
40 C'est fini, n'est-ce pas ?… Jamais ! 8
Plus de parjures ! plus de lâches ni de traîtres ! 12
Fléau contagieux, assez de ton poison ! 12
Ouvrons à deux battants les portes, les fenêtres ! 12
— Soleil, inonde la maison !… 8
45 On respire !… Un air pur dilate les poitrines ; 12
Le miasme délétère aux vents est emporté ; 12
Un rayon du matin vient dorer les ruines, 12
C'est le jour ! c'est la liberté ! 8
Et la France renaît, calme et purifiée, 12
50 Marche à ses ennemis, sans peur et sans courroux, 12
Les toise du regard, sur ses fils appuyée, 12
Et leur dit : « Que me voulez-vous ? 8
» C'est à cet empereur, prétendiez-vous naguère, 12
» Que vous portiez vos coups, peuple, ministre et roi ; 12
55 » Pourquoi, lui disparu, me faites-vous la guerre 12
» Qu'il vous avait faite sans moi ? 8
» Prenez garde ! ma race est debout, encor sauve ! 12
» Je connais tous mes fils, sans prendre le souci 12
» De demander leurs noms aux secrets d'une alcôve ; 12
60 » Et vous les connaîtrez aussi ! » — 8
Le Prussien la regarde, et se pâme de rire ; 12
Il a menti ! qu'importe ? il est fait au mépris !… 12
C'est bien ! La République au Sédan de l'Empire 12
Promet un lendemain : Paris ! 8
A cette Prusse inassouvie, De nos murs livrés, envahis, Payer la rançon de sa vie. N'est-ce pas vendre le pars ?
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