Métrique en Ligne
BRJ_1/BRJ17
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
XVII
STRASBOURG
Non ! ce n'est pas la guerre ! — On a vu des armées, 12
La baïonnette rouge aux mains, 8
Par le carnage même au carnage animées, 12
Entrechoquer leurs flots humains. 8
5 Soldats contre soldats, dans une aveugle rage, 12
Renversés, mourants, à genoux, 8
Combattaient ; — des lions ils avaient le courage. 12
Mais non la cruauté des loups ! 8
Jusque dans leurs fureurs les vertus étaient sauves ; 12
10 L'honneur se fût retrouvé là !…— 8
Ce qu'on n'avait pas vu, depuis les bêtes fauves 12
De Genséric et d'Attila. 8
Ce qui dépassera même les plus infâmes, 12
C'est ce raffinement vainqueur 8
15 De tuer lâchement des enfants et des femmes 12
Pour frapper les hommes au cœur ; 8
De calculer le sang, la terreur et les larmes 12
Dont il faut remplir la cité 8
Pour vaincre des soldats impuissants sous leurs armes. 12
20 Et pour briser leur volonté ! 8
Voilà ce qu'ils ont fait, voilà de quelle gloire 12
Se couvrent ces bourreaux pieux ! 8
Les Peaux rouges, les Thugs, d'exécrable mémoire, 12
O Bismark, n'auraient pas fait mieux ! 8
25 Non, ce n'est pas la guerre !… Et le cœur se soulève, 12
La colère gonfle le sein, 8
Quand on voit le soldat abandonner son glaive 12
Pour le couteau de l'assassin ! 8
Promène maintenait ta grandeur souveraine 12
30 Parmi ces peuples envahis, 8
O roi Guillaume ! prends l'Alsace et la Lorraine, 12
Pour les souder à ton pays. 8
Répands sur leurs malheurs une larme hypocrite, 12
Et de ton cœur compatissant 8
35 Que la douceur chrétienne y soit partout écrite 12
En traits de flamme, en traits de sang !… 8
Ah ! chez nos paysans de Lorraine et d'Alsace 12
Tu te croyais un autre accès ? 8
Tu pensais des Germains y retrouver la trace ? 12
40 Non, Guillaume ! ils étaient Français ! 8
Frappe-les ! frappe-les ! De cette hydre fertile 12
Suscite les rébellions ! 8
Frappe !… Pour un qui tombe il en surgira mille. 12
Et pour mille des millions ! 8
45 Oui, jusqu'à submerger ton trône et ton royaume, 12
Et tes étendards triomphants, 8
Et Sadowa vengé par nous, ô roi Guillaume, 12
Et les enfants de tes enfants ! 8
Pour nous débaptiser tes cruautés sont vaines, 12
50 Et tes bienfaits sont superflus ; 8
Quand le sang de la France a passé dans nos veines. 12
Ce sang-là ne se refait plus ! 8
Strasbourg, noble cité, tes murs et tes victimes 12
Seront à la postérité 8
55 Les bulletins vengeurs, les témoins de leurs crimes 12
Et de ton courage indompté ! 8
L'histoire les attend et leur fera justice, 12
Éclairés de ce même feu 8
Qui brûlait la pensée, et le temple, et l'hospice, 12
60 La pitié, l'âme humaine, et Dieu ! — 8
C'est bien ! plus de pitié ! Que des armes plus sûres 12
Servent des bras, des cœurs plus forts ! 8
Nous songerons peut-être à panser les blessures 12
Quand nous aurons vengé nos morts ! 8
65 Et ne nous bornons pas à maudire les maîtres ! 12
Pour servir leurs plans belliqueux, 8
Ces peuples de bourreaux, d'espions et de traîtres 12
Étaient tout entiers avec eux ! 8
Un vieux levain jaloux fermentait dans leur âme ; 12
70 Leur orgueil s'était offensé 8
De voir trop de lauriers couronner l'oriflamme 12
Qui racontait notre passé ; 8
Et, du jour où Bismark, devenu populaire 12
Par l'appât d'un premier succès, 8
75 Réveilla dans les cœurs cet espoir séculaire 12
D'anéantir le nom Français, 8
De ce jour-là, les champs, les châteaux et les villes 12
Se turent par enchantement ; 8
L'Allemagne fit trève aux discordes civiles, 12
80 Et guetta l'heure et le moment. 8
Elle s'arma dans l'ombre, et savoura la joie, 12
L'ivresse de nous outrager, 8
Attendit le signal, et bondit sur sa proie !… 12
Aux armes !… voici l'étranger !… 8
85 L'étranger, Dieu puissant ! l'étranger sur la terre 12
De Vaucouleurs, de Domrémy !… 8
O Jeanne ! lègue-nous ta haine héréditaire ; 12
Marche avec nous à l'ennemi ! 8
L'étranger sur le sol de la mère-patrie ! 12
90 O honte ! ô larmes ! ô douleurs ! 8
Un uhlan se vautrant sur la France meurtrie !… 12
Non, non ! du sang ! et pas de pleurs ! 8
Qu'ils soient maudits ! que Dieu condamne cette engeance 12
D'hypocrites et de bandits ! 8
95 — Ah ! que la haine est douce, et douce la vengeance ! — 12
Qu'ils soient maudits ! qu'ils soient maudits ! 8
Que dans leurs flots sanglants le Rhin et la Moselle 12
Vers l'Océan roulent leurs corps ; 8
Que pas un chez les siens n'en porte la nouvelle, 12
100 Avec le dernier cri des morts ; 8
Que leur lâche attentat au monde les signale, 12
Les voue aux malédictions, 8
Et que la Prusse, avec cette marque fatale, 12
Soit mise au ban des nations ! 8
105 Toi Werder, toi bourreau, toi le hideux ministre 12
D'une hideuse atrocité, 8
Sois cloué, tout vivant, comme un hibou sinistre. 12
Au carcan de l'humanité ! 8
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