LIVRE QUATRIÈME |
A FLORENCE |
À ma Mère en Italie |
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ELLE voulut partir, malgré le poids des ans, |
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Pour suivre en Italie un de ses chers enfants, |
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Cœur d’or, solide esprit, mais faible créature, |
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Et que l’art confiait aux mains de la nature. |
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En vain lui disait-on : « C’est trop loin. — Non, j’irai. |
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S’il part d’ici sans moi, seule ici, j’en mourrai. |
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Est-ce trop de nous deux (une mère, une femme). |
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Pour bien soigner son corps, pour réjouir son âme ? |
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Et puis, vous le savez, j’ai là mon autre fils, |
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Que le soleil retient aussi dans ce pays, |
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Le premier-né d’eux tous, ma ressemblance même, |
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Pauvre chanteur errant qui me fuit, mais qui m’aime. |
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Ah ! tout mon cœur se trouble !… Allons, pas de refus ! |
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Je me fais vieille, hélas ! ne le verrai-je plus ? » |
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Et tu suivis ton cœur, qui seul te persuade, |
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Pour voir ton fils absent et voir ton fils malade. |
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Oh ! dans l’hôtel de Gêne et dans cet escalier, |
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Quand tu me rencontras au détour du palier, |
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Oh ! comme tu m’ouvris tes bras, et quelles larmes |
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Sortirent de nos yeux toutes pleines de charmes, |
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Si bien que, près de nous, sans oser se montrer. |
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Un serviteur pleurait en nous voyant pleurer ! |
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Mais bientôt nous voilà tous quatre par la ville ; |
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Moi, dans ces murs brillants de leur gloire civile, |
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Guide joyeux et fier, en passant je nommais |
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Tous ces monceaux de marbre appelés des palais ; |
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Et je voyais ton corps, courbé par le voyage, |
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Se dresser, et la joie éclairer ton visage. |
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Tout ce qu’a de plus grand ou la nature ou l’art, |
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Tout aura donc brillé sous tes yeux, bien que tard : |
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Spectacle inespéré, merveilles inouïes, |
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Que tu pourras longtemps conter à tes amies, |
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Quand vous prenez le frais au bord du grand chemin, |
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Ou, durant les chaleurs, sur le banc du jardin. |
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Dans Gêne et dans Florence ainsi quelques semaines |
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Passèrent, jours heureux pourtant mêlés de peines, |
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Car chaque heure disait qu’il faudrait se quitter ; |
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Et je vous vis un soir en voiture monter. |
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O moment du départ, baisers, adieu suprême ! |
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Odieuse voiture emportant ce qu’on aime, |
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Et qui vous laisse seul ! Puis l’on va dans un coin |
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Tomber sur une pierre et pleurer sans témoin !… |
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Aujourd’hui, de retour dans ta ville bretonne, |
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Quand tu passes, plus d’un se retourne et s’étonne : |
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« A son âge, partir ! » Or, dans notre cité, |
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Pour un exploit moins grand, jeune, on serait cité ; |
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Par ce pieux voyage une noble couronne |
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S’ajoute à l’humble éclat qui déjà t’environne ; |
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Car si quelque chanteur, des amis du dessin, |
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Tous des enfants de l’art, sortirent de ton sein, |
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On dit : « Voici la mère ! » Oui, même les merveilles |
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Qui, le jour, m’inspirant, la nuit charment mes veilles, |
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Ont doublé de douceurs ; toujours s’en vont mes pas |
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Où nous allions, ton bras appuyé sur mon bras ; |
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Et dans les grands palais la riche galerie, |
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Dans l’église où pour moi tu priais attendrie, |
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Partout me rappelant ton cœur pur et ton goût, |
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Ma mère, je te vois et je te suis partout. |
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