Métrique en Ligne
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Auguste BRIZEUX
LA FLEUR D’OR
1874
LIVRE NEUVIÈME
EN BRETAGNE
Lo’-Théa
DANS les vallons, sur les montagnes, 8
J’irai, suivant partout les rives du Létà, 12
Et les tristesses, mes compagnes, 8
S’adouciront dans ces campagnes : 8
5 Salut à ton clocher ! Salut, cher Lo’-Théa ! 12
Pourquoi, de soupirs oppressée, 8
T’attrister, ô mon âme, et me troubler toujours ! 12
Dans l’avenir mets ta pensée. 8
Ta vie à peine commencée 8
10 Te promet encor de beaux jours. 8
Faut-il de regrets et de blâme, 8
Ennemi de soi-même, exciter sa douleur ? 12
Non, l’espoir serein nous réclame, 8
Il verse sa rosée à l’âme 8
15 Comme le matin à la fleur. 8
Le bien et le mal, noir mélange, 8
Nous viennent tour à tour de l’enfer et du ciel. 12
J’ai bu l’absinthe avec sa fange, 8
Au calice doré de l’ange 8
20 Souvent j’ai savouré le miel. 8
Doux Lo’-Théa, fraîche vallée, 8
Paroisse où mon enfance errait toute à l’espoir, 12
Où, par ses ennuis rappelée, 8
Ma jeunesse errante et troublée 8
25 Chaque automne vient se rasseoir, 8
Pardonnez, ô belle nature. 8
Tous ces combats mauvais du cœur et de l’esprit ; 12
Bien que souffrant de ma blessure, 8
Plus calme enfin je me rassure 8
30 Sous la main qui frappe et guérit. 8
Celui qui vous fit tant de charmes, 8
A-t-il, maître jaloux, défendu d’être heureux ? 12
Chemin d’épreuves et d’alarmes. 8
Faut-il vous arroser de larmes 8
35 Avant d’arriver dans les cieux ? 8
J’en crois votre aspect qui console. 8
Hêtres, pins murmurants, fleurs d’or, et vous, ruisseaux, 12
Votre beauté n’est point frivole ; 8
L’ennui qui prés de vous s’isole 8
40 S’endort mieux au bruit de vos eaux. 8
Puisse, légère aussi, la peine 8
Comme l’eau de ce pré sur moi glisser et fuir ! 12
Détaché d’ambition vaine. 8
Sans fiel, sans détours et sans haine, 8
45 Qu’ai-je à craindre de l’avenir ? 8
Oui, des ennuis où tu te plonges, 8
Cœur longtemps éprouvé, dégage enfin tes jours ; 12
Reviens à tes premiers mensonges ; 8
Ton âge encore a de beaux songes, 8
50 Ton âge de belles amours. 8
À l’espérance jeune et blonde, 8
Crédule, livre-toi, comme dans ton matin… 12
Voyageur entraîné par l’onde. 8
Que jamais mon regard ne sonde 8
55 Les flots qui portent mon destin. 8
Vivons de la vie idéale, 8
Vivons de la nature et du charme des vers, 12
Heureux du chant de la cigale, 8
Du parfum que la lande exhale 8
60 Ou qui descend des taillis verts. 8
Respire donc, âme oppressée. 8
Et fais part aux bons cœurs de tes apaisements : 12
Durant notre époque abaissée. 8
Quand tout déprime la pensée. 8
65 Toi, relève les sentiments. 8
ENVOI À M. FERDINAND DENIS
Vous avez trouvé dans l’étude 8
Le calme intérieur que me versent les bois : 12
Tout à notre chère habitude, 8
Oh ! laissons en accord nos pensers et nos voix. 12
70 Doux amis de la solitude ! 8
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