Métrique en Ligne
BRI_2/BRI126
Auguste BRIZEUX
LA FLEUR D’OR
1874
LIVRE SEPTIÈME
A VENISE
L’Asile
REPOSONS-NOUS ailleurs, le doute a hérissé 12
De trop de dards aigus la couche du passé. 12
Mais croire, mais aimer quand toute âme s’envole, 12
Et quand chaque matin voit tomber chaque idole ! 12
5 Cependant il le faut, croyons, aimons encor, 12
Croyons bien aux plaisirs et pour eux aimons l’or, 12
Croyons à cela seul qu’on ne doit plus rien croire, 12
Hors aux baisers cueillis sur un beau front d’ivoire ; 12
Dieu mort, ils ont tué l’amour et l’amitié : 12
10 Croyons tous au malheur sans croire à la pitié, 12
Et cherchons loin, bien loin, un asile suprême 12
Pour oublier enfin les autres et nous-même. 12
O vous, frères amis, qui d’un monde hideux, 12
Voyageurs éplorés, êtes sortis tous deux, 12
15 L’un éteignant sa vie au creux de la vallée, 12
L’autre emportant au cloître une âme désolée, 12
Mais tous deux expirant d’une si douce voix 12
Que votre sol natal en agita ses bois, 12
Ah ! s’il est loin du monde un lieu sûr où l’on dorme, 12
20 Répondez, Amaury, dites, Joseph Delorme, 12
Où le lit est meilleur et le sommeil plus long : 12
Est-ce à l’ombre du cloître ? Est-ce au creux du vallon ? 12
En nous-même peut-être il est un sûr refuge 12
Où l’âme en descendant sait juger qui la juge, 12
25 Un sanctuaire calme où le doute acéré 12
Malgré tous ses replis n’a jamais pénétré : 12
Beau temple intérieur tout rempli d’eaux lustrales, 12
De mets fortifiants et d’essences vitales. 12
Si les corps sont régis par l’éternelle loi, 12
30 Sonde ta destinée, âme, et rassure-toi ! 12
Quel Titan espéra dans ses deux mains géantes 12
Détruire une de vous, molécules vivantes ; 12
Ou de l’âme déserte exiler sans retour 12
La divine espérance et le divin amour ? 12
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