Métrique en Ligne
BRI_2/BRI121
Auguste BRIZEUX
LA FLEUR D’OR
1874
LIVRE SEPTIÈME
A VENISE
En revenant du Lido
OH ! malheur à celui dont la mâle constance 12
Veut braver sa fortune et braver l’existence ; 12
Qui, cent fois éprouvé, mais sourd à la frayeur, 12
S’obstine au fol espoir d’un avenir meilleur : 12
5 Au livre où de tout temps nos heures sont prédites 12
Ses yeux ne liront plus que des lignes maudites ; 12
L’inflexible destin, d’un doigt mystérieux, 12
Trace autour de ses pas un cercle impérieux, 12
Et riant des combats où s’use sa faiblesse, 12
10 Dans le cercle fatal le ramène sans cesse, 12
Tant qu’épuisé d’efforts il tombe sans appui. 12
Victime de lui-même et victime d’autrui. 12
Lido ! Lido ! j’ai vu tes grèves désolées, 12
Ton sable jaune et fin, où confuses, mêlées, 12
15 On retrouve le soir les traces des serpents 12
Au soleil de midi déroulés et rampants : 12
Ici venait Byron ; d’un œil mélancolique 12
Il regardait au loin briller l’Adriatique, 12
Ou, pour dompter son âme, il poussait au galop 12
20 Son coursier hennissant au bruit de chaque flot, 12
Et le noble animal écrasait les vipères 12
Qui gagnaient en sifflant leurs venimeux repaires… 12
Non, non, j’avais mal dit ! Le courageux est fort, 12
Marchons sur les serpents et triomphons du sort. 12
25 Ah ! si, tels que Jésus heureux dans les supplices, 12
Souvent vous ne mettiez dans vos pleurs vos délices, 12
Songeant que les pervers ne savent ce qu’ils font, 12
Ou si dans un mépris silencieux, profond, 12
Vous n’aimiez à garder vos amères pensées, 12
30 Comme dans l’Arsenal des flèches amassées, 12
Hommes doux mais puissants, tout à coup au grand jour 12
Montrez l’âpre vigueur que cache en vous l’amour, 12
Saisissez le méchant, serrez-le sans relâche, 12
Et bientôt vous verrez pâlir le front du lâche ! 12
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