Métrique en Ligne
BRI_1/BRI29
Auguste BRIZEUX
Marie
1831
ÉCRIT EN MER
Notre barque, depuis trois jours, 8
Croise et lutte devant ces côtes ; 8
Les vagues roulantes et hautes 8
Sur les rocs nous poussent toujours. 8
5 Dans l'ennui de la traversée, 8
Alors chacun des voyageurs 8
Se livre aux souvenirs rongeurs 8
Que chacun porte en sa pensée. 8
En secret, je songeais à vous, 8
10 Pour moi désormais étrangère, 8
Pareille à cette passagère, 8
Vous qui pleurez sur vos genoux. 8
Pleurez ! Attendri sur moi-même, 8
J'ai pu lire dans vos douleurs. 8
15 Pleurez, pauvre femme ! Vos pleurs 8
Sont pleins d'une douceur qu'on aime. 8
Tout ce qui fait vivre et penser, 8
Votre âme ardente le féconde : 8
C'est une faute aux yeux du monde, 8
20 Les larmes doivent l'effacer. 8
Plus calme un jour et non moins tendre, 8
Vous sourirez à vos chagrins : 8
Les temps seront alors sereins, 8
En pleurant il faut les attendre. 8
25 Tremblante et cherchant un réduit, 8
Hier, une hirondelle égarée 8
Sur le mât du chasse-marée 8
S'est venue abattre à la nuit. 8
Ouvrant l'aile à chaque secousse, 8
30 Quand la vergue plongeait dans l'eau, 8
Sur sa corde le jeune oiseau 8
Criait d'une voix triste et douce. 8
Ce matin le ciel était clair, 8
On voyait au loin le rivage ; 8
35 L'hirondelle reprit courage, 8
Et chantait en traversant l'air. 8
Oh ! Quand vos jours auront moins d'ombre, 8
Votre cœur troublé moins d'effroi, 8
Dans l'avenir songez à moi, 8
40 À moi surtout s'il était sombre. 8
Femme pure, au cœur méconnu, 8
Contre le sort faible et sans armes, 8
N'oubliez jamais dans vos larmes, 8
Celui qui s'en est souvenu. 8
45 Il reçut une âme discrète, 8
Une âme prompte à s'attendrir, 8
Et sa main, sans faire souffrir, 8
Sonde une blessure secrète. 8
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