Métrique en Ligne
BRG_2/BRG2
corpus Pamela Puntel
Émile BERGERAT
HYMNE A LA FRANCE
1870
HYMNE A LA FRANCE
A MON AMI ÉMILE COLLET
I
O France, ô mon pays, ô terre d'allégresse 12
En qui les dieux païens nous ont rendu la Grèce, 12
Les dieux chrétiens, le Paradis ; 8
Reine de l'idéal, que des rois d'industrie 12
5 Convoitaient courtisane et nous laissent patrie, 12
France, que l'on prétend flétrie, 8
Moi, je t'aime, et je te le dis ! 8
II
Je t'aime, ô ma Vaincue, et mon orgueil t'appelle 12
De tous les noms flatteurs que le plaisir épelle 12
10 Et qu'en rêve nous bégayons ; 8
Lorsque ton mâle accent caresse mon oreille, 12
Mon âme se détache et s'envole, pareille 12
A l'enfant qui poursuit l'abeille 8
Parmi les fleurs et les rayons. 8
III
15 Sans toi l'aurore n'est qu'une écharpe perdue ; 12
Le printemps sans objet erre dans l'étendue ; 12
La brise souffle sans dessein. — 8
L'univers n'a le droit de se regarder vivre 12
Que lorsque tu t'endors, le coude sur un livre , 12
20 Ayant usé l'or et le cuivre 8
Pour les parures de ton sein. 8
IV
Dans l'ombre où le Soleil se baigne et se répare, 12
Il attend que ton ciel repasse, et se prépare 12
A t'y posséder à plaisir, 8
25 Et, remplissant encor tes nuits enchanteresses 12
Du parfum reposé de ses chaudes ivresses, 12
Ne leur laisse, entre deux caresses, 8
Que l'interrègne du désir. 8
V
Le vent sombre et mortel qui rayonne des pôles 12
30 Adoucit son haleine en touchant tes épaules, 12
Et l'Hiver, ton vieil amoureux, 8
T'épargne le baiser de sa barbe robuste 12
Et n'en laisse tomber de neige que tout juste 12
Ce qu'il faut pour mouler ton buste 8
35 Sans glacer ton sang généreux ! 8
VI
Terre où tout fructifie et jusqu'à la paresse, 12
Que le vent fertilise et que l'engrais oppresse, 12
Qui, pour un choc, rends un héros ; 8
Où la pauvreté rit même de ses guenilles , 12
40 Où la volupté flotte à toutes les charmilles, 12
A tous les cils de jeunes filles, 8
A tous les becs de passereaux ; 8
VII
Éden où tout Olympe a quelque pied-à-terre ; 12
Où l'exilé bâtit son exil volontaire ; 12
45 Temple, qui peux seul contenir 8
Un peuple dont l'histoire est le roman du monde 12
Et prépare une Bible en Sinaïs féconde 12
A la prophétique faconde 8
Des apôtres de l'avenir ! 8
VIII
50 France que Dieu pétrit de la fleur de sa boue, 12
Et posa, comme on niche un signe sur la joue, 12
Au coin de l'œuvre de limon ; 8
Perle de cet écrin dont la splendeur l'atteste 12
Et ferait inventer quelque fable céleste 12
55 D'un Dieu réalisant d'un geste 8
Le séjour rêvé d'un démon ! 8
IX
Que te manque-t-il donc, ô beauté trop parfaite ? 12
Ta grâce s'embellit encor de ta défaite 12
Et ton malheur de ta fierté ! 8
60 France ! écoute le Vœu d'un pauvre enfant qui t'aime ; 12
Il ne manque, ô patrie, à ton front qu'un baptême, 12
Qu'un fleuron à ton diadème 8
A ton cœur que la liberté ! 8
X
Qu'as-tu besoin de rois, n'as-tu pas tes poëtes ? 12
65 Chercheras-tu toujours l'époux que tu souhaites 12
Parmi les hercules hâbleurs ? 8
Seras-tu toujours femme, ô reine familière ? 12
Et voudras-tu toujours, ô France de Molière ! 12
Vivre battue, en être fière, 8
70 Et rire d'amour dans les pleurs ? 8
XI
Ah ! cesse d'éblouir ta bêtise idolâtre 12
Par la pourpre où se drape un fantoche bellâtre, 12
Qui te gruge nonchalamment ! 8
Cesse de profaner l'honneur de tes délices 12
75 Avec ces bateleurs de sceptre, à cheveux lisses, 12
Qui te vendent dans les coulisses 8
A quelque banquier allemand ! 8
XII
Viens ! reprends à deux mains ta jeunesse immortelle ! 12
Prends ton courage et ton malheur ! Sors de tutelle ; 12
80 Et reviens à nous qui t'aimons ! 8
Les poëtes sont ceux qui connaissent la route, 12
Qui savent de quel point menace la déroute, 12
Et, comme la chèvre qui broute, 8
Sentent l'orage sur les monts ! 8
XIII
85 Viens ! nous t'emporterons sur la cime éclatante 12
D'où librement on voit, et du pas de sa tente, 12
Là le Désert — là Chanaan ; 8
A droite les veaux d'or submergés par le sable, 12
A gauche les raisins monstrueux de la Table, 12
90 Là, l'avenir intarissable ; 8
Là, l'insatiable néant. 8
XIV
Viens ! tu compareras en leur course sonore 12
Les coteaux moutonneux qui montent vers l'aurore 12
En un frais tumulte d'amour, 8
95 Et, dans les stations des calvaires funèbres, 12
Les générations, ivres de leurs ténèbres , 12
Comme ces larves sans vertèbres 8
Que torture l'éclat du jour ! 8
XV
Et là, France ! dressée au seuil de la nature, 12
100 Dénouant tes cheveux, dénouant ta ceinture, 12
Et lavant tes bras au soleil, 8
Les frissons précurseurs d'une amour inconnue 12
Agiteront les seins de ta poitrine nue, 12
Et tu recevras dans la nue 8
105 L'immense baiser du Réveil ! 8
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