Métrique en Ligne
BRB_1/BRB49
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
LAZARE
LE PILOTE
Un jour un homme au large et froid cerveau 10
Déchaîne les chiens de la guerre, 8
Leur dit : carnage ! Et lance le troupeau 10
Sur l'océan et sur la terre ; 8
5 Pour exciter leurs sombres aboîments, 10
Tenir leurs gueules haletantes, 8
Il met en flamme, et les moissons des champs, 10
Et les toits des villes croulantes ; 8
Dans le sang pur il fait marcher les rois, 10
10 Et bravant son peuple en furie, 8
Charge l'impôt et ses énormes poids 10
Sur l'épaule de la patrie ; 8
Et puis enfin, succombant au fardeau, 10
Faible, épuisé, manquant d'haleine, 8
15 Avant le temps, sans jeunesse, au tombeau 10
Il descend dévoré de haine. 8
Et tant de mal, pourquoi ? Pour rendre vain 10
L'effort de cette pauvre France, 8
Qui, l'œil en feu, criait au genre humain : 10
20 Le monde est libre, qu'il avance ! 8
Pour arracher à ses baisers brûlants 10
Le front de sa sœur l'Angleterre, 8
Qui cependant après quinze ou vingt ans, 10
Remise à peine de la guerre, 8
25 Sans lutte ardente et sans nouveau combat 10
Des antiques jours se détache, 8
Et d'un bras fort, dans l'arbre de l'état 10
Plante elle-même un coup de hache. 8
Ô William Pitt, ô nocher souverain, 10
30 Ô pilote à la forte tête ! 8
Il est bien vrai que ton cornet d'airain 10
Domina toujours la tempête ; 8
Qu'inébranlable et ferme au gouvernail 10
Comme un Neptune tu sus faire, 8
35 Devant ta voix, tomber le sourd travail 10
De la grande onde populaire. 8
Mais quatorze ans, l'âge au plus d'un oiseau, 10
De ton pouvoir fut l'étendue, 8
Et ton bras mort, le fleuve de nouveau 10
40 Reprit sa course suspendue. 8
Ah ! Le fou rire a dû prendre à l'enfer 10
Au bruit de tes gestes sublimes ; 8
Car pour un temps si court, ô cœur de fer ! 10
Fallait-il donc tant de victimes ? 8
45 Fallait-il donc faire pleuvoir le sang 10
Comme la nue au ciel éclate, 8
Et revêtir la terre et l'océan 10
D'un large manteau d'écarlate ? 8
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