Métrique en Ligne
BRB_1/BRB15
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
LES VICTIMES
Une nuit je rêvais… et dans mon rêve sombre, 12
Autour d'un ténébreux autel, 8
Passaient, passaient toujours des victimes sans nombre, 12
Les bras tendus vers l'éternel. 8
5 Toutes avaient au front une trace luisante ; 12
Toutes, comme un maigre troupeau 8
Qui laisse à l'écorcheur sa tunique pesante, 12
Portaient du rouge sur la peau. 8
Et toutes, ce n'étaient que vieillards à grand âge, 12
10 Le bâton d'ivoire à la main, 8
Comme ceux que la mort, en un jour de carnage 12
Trouva sur le fauteuil romain ; 8
Que jeunes gens amis, à la vaste poitrine, 12
Au cœur solide et bien planté, 8
15 Frappés, la bouche ouverte, et d'une voix divine 12
Chantant la belle liberté ; 8
Ce n'étaient que des corps meurtris et noirs de fange, 12
Du sable encor dans les cheveux, 8
Et battus bien longtemps, sur une rive étrange, 12
20 Des vents et des flots écumeux ; 8
Ce n'étaient que des flancs consumés par les flammes 12
Dans le creux des taureaux d'airain, 8
Que membres déchirés sous mille dents infâmes 12
Devant le peuple souverain ; 8
25 Que des porteurs divins de blessures infimes, 12
Des sages couronnés d'affront, 8
Des orateurs sacrés, des poëtes sublimes, 12
Tombés en se touchant le front ; 8
Puis des couples d'amants, puis la foule des mères 12
30 Traînant leurs enfants par le bras, 8
Et les petits enfants pleins de larmes amères 12
Et soupirant à chaque pas 8
Et ces ombres, hélas ! Avides de justice, 12
Plaintives, les mains dans les airs, 8
35 Demandaient vainement le prix du sacrifice 12
Au dieu puissant de l'univers. 8
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