Métrique en Ligne
BOU_3/BOU72
Louis BOUILHET
DERNIÈRES CHANSONS
1869
V
À ROSETTE
Mai sourit au firmament, 7
Mai, le mois des douces choses ; 7
Ton aveu le plus charmant 7
Est venu le jour des roses. 7
5 Pour témoins de ce bonheur 7
Nous avons pris, ô ma belle, 7
Le premier lilas en fleur, 7
Et la première hirondelle. 7
Le vallon sait notre amour, 7
10 Les grands bois sont nos complices ; 7
Les lis gardent, loin du jour, 7
Ton secret, dans leurs calices ! 7
Les papillons nuancés 7
Et les vertes demoiselles 7
15 Portent tes serments tracés 7
Sur la poudre de leurs ailes. 7
L'étreinte des lierres frais, 7
Verts chaînons que rien ne brise, 7
Figure, dans les forêts, 7
20 L'ardeur que tu m'as promise. 7
Et pour qu'à notre dessein 7
Ton souvenir soit fidèle, 7
Sur les rondeurs de ton sein, 7
Tous les nids ont pris modèle. 7
25 Oh ! Ne trahis pas ta foi ! 7
Regarde, mon coeur, regarde : 7
Tout l'azur a l'oeil sur toi, 7
Et tout le printemps te garde ! 7
Si tu venais à mentir, 7
30 Les muguets, aux fines branches, 7
Feraient tous, pour m'avertir, 7
Tinter leurs clochettes blanches ; 7
Les limaçons consternés, 7
Comme des prophètes mornes, 7
35 Par les chemins détournés, 7
Me suivraient avec des cornes ; 7
Et les oiseaux, dans la nuit, 7
Se heurtant à ma fenêtre, 7
Me rapporteraient le bruit 7
40 De ta rigueur prête à naître ! 7
Hélas ! Hélas ! Les beaux jours 7
N'ont qu'un temps, comme les roses. 7
J'ai peur des grands étés lourds 7
Et des grands hivers moroses ! 7
45 Ces mois-là n'ont rien promis, 7
Et tous les crimes s'y peuvent, 7
Sans que les blés endormis 7
Ou les glaçons froids s'émeuvent. 7
Ô mon ange ! ô mon trésor ! 7
50 Cher bonheur que Dieu me donne, 7
Jure-moi d'aimer encor, 7
Lorsque jaunira l'automne ! 7
Jure-moi !… ‒ mais tu souris 7
De mes alarmes trop fortes… 7
55 Viens !… les rameaux sont fleuris, 7
Oublions les feuilles mortes ! 7
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