Métrique en Ligne
BOU_3/BOU119
Louis BOUILHET
DERNIÈRES CHANSONS
1869
LII
PARJURE
(Traduit d'Ovide, élégie III ; Amours
Comment croirais-je aux dieux ? Celle 7
Qui m'a trompé si souvent, 7
Sur ma vie ! Est aussi belle, 7
Aussi belle que devant ! 7
5 Elle garde en son allure 7
La grâce des premiers jours. 7
Longue était sa chevelure, 7
Ses cheveux sont longs toujours. 7
Son pied, près du mien, se pose 7
10 Tout petit, comme autrefois. 7
Je la connus blanche et rose, 7
Blanche et rose je la vois. 7
Ses regards ‒ ma bouche en grince ! ‒ 7
Ont leurs flammes au complet. 7
15 Elle était mince ; elle est mince. 7
Elle plaisait ; elle plaît. 7
Ainsi donc les jeunes filles 7
Ont droit de trahir les gens ! 7
Ainsi donc au plus gentilles 7
20 Les dieux sont plus indulgents ! 7
Naguère, en ses accolades, 7
Par nos yeux elle a juré. 7
Les siens ne sont pas malades ; 7
Les miens ont tout enduré. 7
25 Ô cieux, dont rit la cruelle, 7
Dites-nous par quelle loi, 7
Quand tout le crime est pour elle, 7
Toute la peine est pour moi ? 7
Ou le mot dieu qu'on redoute 7
30 N'est qu'un mot sonore et creux, 7
Ou les dieux, sans aucun doute, 7
Sont là-haut très-amoureux. 7
Quand nous mentons, nous les hommes, 7
Phébus frémit dans les airs, 7
35 Et, sur tous tant que nous sommes, 7
Fait pleuvoir ses traits amers ; 7
Neptune enfle la tempête, 7
Mars prend son glaive inhumain, 7
Minerve a le casque en tête, 7
40 Jupiter, la foudre en main. 7
Mais les dieux ont peur des belles, 7
Des belles aux fronts vainqueurs. 7
Elles savent, les rebelles, 7
Qu'ils ont des yeux et des coeurs ! 7
45 Ah !… si j'étais dieu moi-même, 7
Je les laisserais mentir. 7
Je serais un dieu qu'on aime 7
Sans crainte et sans repentir ! 7
‒ toi, cependant, ma charmante, 7
50 Abuse un peu moins des cieux, 7
Ou, s'il faut que ta voix mente, 7
Pitié pour mes pauvres yeux ! 7
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