XLIX |
LE NAVIRE |
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Autour du noir vaisseau sous les cieux voyageant, |
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Le vesper répand l'ombre avec la rêverie ; |
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Et, comme un laboureur, la lune au soc d'argent |
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Creuse d'un blanc sillon les vagues d'étrurie. |
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La voile aux plis nombreux tombe sur les haubans ; |
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À peine un léger souffle au loin frémit encore. |
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Tout se mêle et s'efface, et, courbés sur leurs bancs, |
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Les rameurs, dans la nuit, frappent le flot sonore. |
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Tout à coup par les airs un doux bruit a passé |
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Comme une voix de femme, harmonieuse et belle. |
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Est-ce un cri d'alcyon sur l'écueil balancé, |
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Ou quelque écho lointain des fêtes de Cybèle ? |
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Brûlant comme l'amour, joyeux comme l'espoir, |
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Le chant roule, emporté sur les plaines humides ; |
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Et le nocher surpris, dans la brume croit voir |
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Bondir le choeur dansant des blondes Néréides. |
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Déjà la rame échappe aux mains des matelots ; |
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On écoute, ‒ et la voix, qui lentement soupire, |
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Dans son réseau sonore enchaîne le navire |
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Comme un filet subtil étendu sur les flots : |
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« Suspends, suspends ton vol, carène aux blanches ailes, |
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Qui vas rasant les flots amers ; |
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Tout repose, et la nuit sème ses étincelles |
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Dans le voile ondoyant des mers. |
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« Vénus à l'horizon, sur un lit de nuages, |
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A dénoué ses tresses d'or ; |
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Jetez l'ancre de fer à nos joyeux rivages, |
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Nautoniers, c'est ici le port ! |
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« Entendez-vous la brise enivrante et lascive |
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Glisser après les feux du jour ? |
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Et la vague frémir aux lèvres de la rive, |
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Comme fait un baiser d'amour ! |
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« Venez ! Doux sont nos chants et doux sont nos visages. |
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Les dieux marins aux cheveux verts, |
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Quand le soir, blanches soeurs, nous dansons sur les plages, |
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Tendent vers nous leurs bras ouverts. |
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« Venez ! Si le destin dans le fond de vos âmes |
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Retourne l'aiguillon fatal, |
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À vous l'amour ! à vous des caresses de femmes |
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Dans une grotte de cristal ! |
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« À vous, tous les secrets que cherche en vain la foule ! |
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À vous nos récits merveilleux, |
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Où des jours effacés l'histoire se déroule |
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Comme un tissu mélodieux. |
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« Ce n'est point aux palais dans le cercle des villes, |
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Que dort la molle volupté. |
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Elle aime les forêts et leurs dômes mobiles, |
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Où soupirent les nuits d'été. |
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« Elle aime les grands flots comme Vénus sa mère, |
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Quand, ouvrant l'océan vermeil, |
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Elle sortit un jour de son écume amère, |
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Nue et ruisselante au soleil. |
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« Ici, sous la colline, au doux bruit des fontaines, |
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Étendus sur des lits de fleurs, |
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Vous boirez chaque jour, aux coupes toujours pleines, |
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L'oubli du temps et des douleurs. |
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« Oublier ! Oublier ! C'est la sagesse, au monde ! |
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Aimer ! C'est la loi des mortels. |
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C'est pour l'amour joyeux que sur la vague blonde |
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Pendent les riants archipels. |
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« Où t'en vas-tu si loin, carène aux blanches ailes ? |
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L'ombre est propice sous les cieux ; |
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Heureux qui vient dormir aux bras des immortelles ! |
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Il se relève égal aux dieux ! » |
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Un souffle impétueux entraînait le navire. |
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Il allait, il allait aux magiques îlots, |
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Comme va la colombe au serpent qui l'attire. ‒ |
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Et les mâts s'inclinaient, et la rame en délire |
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D'elle-même frappait les flots. |
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