Métrique en Ligne
BOU_2/BOU63
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
DÉMOLITIONS
A PHILOXÈNE BOYER
Ah ! pauvres maisons éventrées 8
Par le marteau du niveleur, 8
Pauvres masures délabrées ; 8
Pauvres nids qu'a pris l'oiseleur ! 8
5 Quand, sous le suaire des nues, 8
Au bord des larges boulevards, 8
Se dressent vos carcasses nues 8
Comme autant de spectres blafards.. 8
Quand vos cloisons mal affermies , 8
10 Livrent aux regards insultants 8
Les secrètes anatomies 8
Du foyer qui vécut cent ans… 8
Et qu'on voit, au long des murailles, 8
Sous la morsure des grappins, 8
15 Flotter, ainsi que des entrailles, 8
Vos vieux lambeaux de papiers peints !… 8
Mon cœur qui garde, en ses abîmes, 8
Comme une perle au fond des mers, 8
Un trésor de pitiés intimes . 8
20 Pour l'ennui des taudis déserts… 8
Mon cœur frémit, ma foi s'écroule, 8
Devant ces manœuvres impurs 8
Dont la cognée ouvre à la foule 8
La conscience des vieux murs ! 8
25 Voici les noires cheminées , 8
Poumons bruyants de la maison, 8
Où les aïeules inclinées 8
Souriaient au rouge tison. 8
Voici la mansarde fidèle 8
30 Où le poète, pauvre encor., 8
Confiait au nid d'hirondelle 8
Le secret de ses rêves d'or. 8
Ah ! douloureuses gémonies ! 8
Ils ont tout mis sous l'œil du jour, 8
35 Depuis la chambre aux agonies, 8
Jusqu'aux alcôves de l'amour ! 8
On dit qu'au soir, dans les ténèbres, 8
L'essaim des souvenirs troublés . 8
Fait sonner ses ailes funèbres 8
40 Sur ces restes démantelés… 8
Pour les couvrir, montez, o lierres ! 8
Brisez l'asphalte des trottoirs ; 8
Jetez sur la pudeur des pierres 8
Le linceul de vos rameaux noirs ! 8
45 Cercueils froids que le sage envie, 8
J'ai vu votre ombre et vos lambeaux, 8
Mais ces sépulcres de la vie 8
Sont plus mornes que les tombeaux ! 8
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