Métrique en Ligne
BOU_2/BOU61
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
CHRONIQUE DU PRINTEMPS
Savez-vous, gens de Paris, 7
Dont on voit les faces ternes 7
Sous des arbres rabougris 7
Où fleurissent des lanternes, 7
5 Quand, au long des boulevards, 7
Vous assiégez d'une lieue 7
Les gros drames, ces renards 7
Dont l'été coupe la queue !… 7
Savez-vous que le bon Dieu, 7
10 Chassant la brume morose, 7
Sur la toile du ciel bleu 7
Brosse un printemps vert et rose ? 7
Silence à vos cris d'enfer ! 7
Qu'on se flatte ou qu'on se morde, 7
15 Les scandales de l'hiver 7
Sont usés jusqu'à la corde. 7
Oyez ! j'apporte des bois, 7
Où tremblottent les rosées, 7
De quoi défrayer six mois 7
20 Vos chroniques épuisées. 7
Les nids vont bien, les boutons 7
Sont faits sur de bons modèles ; 7
On a vu des hannetons, 7
On attend les hirondelles. 7
25 Des muguets, des bassins d'or, 7
J'ai le cours sur mes tablettes ; 7
Les blés sont calmes encor, 7
La hausse est aux violettes. 7
Comme un critique sournois, 7
30 Avril des jardins s'approche, 7
Et se glisse, en tapinois, 7
De la grêle plein sa poche. 7
Mais les grives n'ont pas peur, 7
Et m'ont donné l'assurance 7
35 Que le fruit tient sous la fleur, 7
L'avenir sous l'espérance ! 7
Les collines ont du thym ; 7
L'air est doux ; rien de la vigne ; 7
J'ai rencontré ce matin 7
40 Quatre pêcheurs à la ligne. 7
Hier, enfin, de l'ombre épris, 7
Je rôdais par les vallées, 7
Entre les gazons fleuris 7
Et les voûtes étoilées ; 7
45 A l'heure où le carnaval, 7
Escorté de cinq cents masques, 7
Défonce, au galop final, 7
La peau des tambours de basques ; 7
Quand j'ai vu, sur un ruisseau, 7
50 Planer, tout blanc d'étincelles, 7
Le Silence, cet oiseau 7
Dont on n'entend pas les ailes !… 7
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