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BOU_2/BOU56
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
LE LABOUREUR
A MON AMI EUGÈNE CRÉPET
O laboureur de l'âme, ô semeur éternel, 12
Poëte, avant le jour, loin du toit paternel, 12
Sans écouter le chien qui gronde, 8
Pars avec ta charrue et ton rude aiguillon : 12
5 Tu sais que le temps presse, et qu'il faut au sillon 12
Jeter tout l'avenir d'un monde. 8
Il part ; la plaine immense, au lever du soleil, 12
N'a pas même un oiseau qui chante le réveil, 12
Pas mème un arbre qui frissonne. 8
10 C'est un terrain maudit, dans le vaste univers, 12
Et, sur les durs cailloux dont les champs sont couverts, 12
On entend le soc dur qui sonne. 8
L'air est en feu : midi, sur l'ardent travailleur, 12
Comme un manteau de plomb, fait tomber sa chaleur : 12
15 Mais qu'importe aux tâches divines ! 8
Il marche dans l'espoir, dans la foi, dans l'azur, 12
Et la sainte sueur qui coule à son front pur 12
Semble un bandeau de perles fines. 8
Il voit, il voit déjà, sur le sol âpre encor, 12
20 Frémir les bois touffus et rouler les blés d'or, 12
Tout tachetés de fleurs vermeilles ; 8
Il ne s'aperçoit pas, le rêveur ingénu, 12
Que mille taons jaloux, pour piquer son sein nu, 12
Vont bourdonnant à ses oreilles ! 8
25 Puis, quand au foyer sombre il retourne, le soir, 12
Tous les petits enfants se pressent pour le voir, 12
Au seuil des fermes souriantes ; 8
Car, pareils aux grands bœufs qui rentrent à pas lourds, 12
Ses vers au large flanc font tinter, dans les cours, 12
30 Leurs colliers de rimes bruyantes. 8
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