Métrique en Ligne
BOU_2/BOU31
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
BERCEAU
Lacte ferine !
A l'ombre d'un figuier superbe, 8
Près d'un fleuve aux bords inconnus, 8
Deux enfants sont couchés dans l'herbe, 8
Frais, souriants, et demi-nus ; 8
5 Le grand ciel bleu les environne, 8
Un dernier rayon du soleil 8
Semble poser une couronne 8
Sur leurs fronts joints par le sommeil, 8
Et la brise qui vient des ondes 8
10 Parfumée aux fleurs des roseaux 8
Baise, en passant, leurs tètes blondes 8
Que touche l'aile des oiseaux ! 8
Ils se réveillent… ô mystère !… 8
Du fond des antres sans chemins 8
15 Une louve, rasant la terre, 8
Vient lécher leurs petites mains ! 8
Et tous deux, sous la bête énorme, 8
Les doigts crispés au poil tordu, 8
Tètent sans peur le pis difforme 8
20 Que les louveteaux ont mordu ! 8
Courbe, ô figuier, ta large voûte 8
Sur ce grand berceau des déserts ; 8
Leur cri faible qu'un monstre écoute 8
Promet César à l'univers ! 8
25 Fleuve obscur dont l'eau solitaire 8
Doit s'enorgueillir tant de fois, 8
Tibre, où boira toute la terre, 8
Viens jouer aux pieds de tes rois ! 8
Et toi, par la forêt profonde, 8
30 Sous la lune au fauve reflet, 8
Hurle, ô louve, on noierait un monde 8
Dans chaque goutte de ton lait ! 8
Ton museau pointu qui grommelle 8
Domine les peuples tremblants, 8
35 Rome tressaille à ta mamelle, 8
L'avenir vagit sous tes flancs ! 8
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