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BOU_2/BOU28
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
A MAXIME DU CAMP
Lorsque tu sortiras des ondes libyennes, 12
Le front tout jaune encor des baisers du soleil, 12
Et roulant dans ton cœur mille choses lointaines 12
A raconter, le soir, près du foyer vermeil ! 12
5 Poète aux pieds légers, aux courses vagabondes, 12
Nous qui restons ici, nous te demanderons 12
La tente et le désert tordant ses vagues blondes, 12
Et les grands aigles roux qui volent par les monts ! 12
Nous te demanderons les haltes sur la plage, 12
10 L'ombre des grenadiers dont tu mordais les fruits, 12
Et comment le chameau, suant sous son bagage, 12
Étend son col velu pour boire l'eau des puits. 12
Nous te demanderons les chevaux hors d'haleine, 12
Les burnous blancs gonflés comme une voile au vent, 12
15 Et la fille aux pieds noirs qui danse dans la plaine 12
Avec son cliquetis de médailles d'argent. 12
Mais toi, triste et rêveur comme après les voyages, 12
Écoutant tout ce bruit qui monte des cités, 12
Tu nous diras : — Amis, où sont mes beaux feuillages 12
20 Au souffle des déserts largement agités ? 12
Où sont mes longs troupeaux dont les touffes de laine 12
Pendent au flanc des monts comme de blancs frimas, 12
Et la source où descend la lionne africaine, 12
Et les ravins profonds que l'on ne passe pas ? 12
25 Oh ! qui m'emportera loin du pays de France ; 12
Qui de vous me rendra, sous le palmier jauni, 12
Le hamac paresseux où le corps se balance, 12
Et mon rêve ébauché que je n'ai pas fini ? 12
Je veux, je veux encor me perdre dans l'espace 12
30 Au dos des chameaux bruns et sous les cieux ouverts, 12
Pour savoir si le sable a bien gardé ma trace, 12
Et si l'écho punique a retenu nos vers ! 12
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