Métrique en Ligne
BOU_2/BOU26
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
SAVEZ-VOUS PAS…
Savez-vous pas quelque douce retraite, 10
Au fond des bois, un lac au flot vermeil, 10
Où des palmiers la grande feuille arrête 10
Les bruits du monde et les traits du soleil ? — 10
5 Oh ! je voudrais, loin de nos vieilles villes, 10
Par la savane aux ondoyants cheveux, 10
Suivre, en rêvant, les écureuils agiles, 10
Et voir sauter, sur les branches mobiles, 10
L'ara de pourpre et les bengalis bleus ! 10
10 Savez-vous pas, sur les plages lointaines 10
Où n'ont jamais passé les matelots, 10
Une île heureuse aux suaves haleines, 10
Bouquet de fleurs effeuillé sur les flots ? 10
— Oh ! je voudrais, seul avec ma pensée, 10
15 Jetant au vent la poussière des jours, 10
Sentir mon âme aux vagues balancée, 10
Et m'endormir sur l'onde cadencée 10
Comme un enfant que l'on berce toujours ! 10
Savez-vous pas, loin de la froide terre, 10
20 Là-haut ! là-haut ! dans les plis du ciel bleu, 10
Un astre d'or, un monde solitaire 10
Roulant en paix sous le souffle de Dieu ? 10
— Oh ! je voudrais une planète blonde, 10
Des cieux nouveaux, d'étranges régions, 10
25 Où l'on entend ainsi qu'un vent sur l'onde, 10
Glisser la nuit, sous la voûte profonde, 10
Le char brillant de constellations ! 10
Où fuir ? où fuir ? Par les routes humaines 10
Lé sable est dur et le soleil est lourd ! 10
30 Ma bouche ardente a tari les fontaines 10
Et l'arbre est mort où j'ai cueilli l'amour ! 10
— Oh ! je voudrais, loin du temps et des choses, 10
Débarrassé de tout lien charnel, 10
Courir joyeux dans les métamorphoses, 10
35 Puis me plonger à la source des causes, 10
Où l'Infini flotte dans l'Éternel ! 10
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