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BOU_2/BOU10
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
A UNE PETITE FILLE
ÉLEVÉE AU BORD DE LA MER
Pourquoi pleurer, ma petite, 7
Lorsque le jour est fini ? 7
Fais silence ! et dors bien vite, 7
Comme un oiseau dans son nid ! 7
5 Au bruit des vents de décembre, 7
Songe, songe, entre tes draps, 7
Comme il fait bon dans ta chambre, 7
Et comme on a froid là-bas ! 7
Loin des flots et du rivage, 7
10 Dans mon pays, quelquefois, 7
Un enfant qui n'est pas sage 7
Est pris par le loup des bois ; 7
Mais ici !… quelle voix gronde 7
Et se roule, dans la nuit ?… 7
15 C'est la mer, la mer profonde !… 7
Jeanne, ne fais point de bruit ! 7
Dès que Dieu, sous le ciel sombre, 7
Rallume ses astres d'or, 7
Les flots écoutent, dans l'ombre, 7
20 Si le petit enfant dort ; 7
Ton cri qu'on pourrait entendre 7
Au fond de l'abîme amer 7
Ferait venir pour te prendre, 7
Les grands poissons de la mer ! 7
25 Ils ont des écailles bleues, 7
Des yeux ronds, ouverts toujours, 7
Et, du revers de leurs queues, 7
Font couler les vaisseaux lourds. 7
Ils viendraient, au clair de lune, 7
30 Se traînant sur le galet, 7
Frotter leur narine brune 7
A la barre du volet !… 7
Puis, malgré ta voix timide, 7
Par la chambre se roulant, 7
35 Quelque bête au dos humide 7
T'emporterait en soufflant ! 7
Où seraient ta couche blanche, 7
Ton oreiller de satin, 7
Et ta mère qui se penche 7
40 Pour t'éveiller le matin ?… 7
Tu n'aurais, pauvre Jeannette 7
( Ainsi le veut le bon Dieu ), 7
Que le sable pour couchette, 7
Et les flots pour rideau bleu ! 7
45 Pourquoi pleurer, ma petite, 7
Lorsque le jour est fini ?… 7
Fais silence !… et dors bien vite, 7
Comme un oiseau dans son nid !… 7
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