Métrique en Ligne
BOR_1/BOR31
Pétrus BOREL
Rapsodies
1832
PATRIOTES
Justice
À l’ex-Chambre qui proposait l’abolition
de la peine de mort
décembre 1830
Soyez donc inflexible : c'est l'indulgence
qui est féroce, puisqu'elle menace la patrie.
SAINT-JUST.
En vain le meurtrier veut esquiver la hache 12
Et le feu vengeur du bourreau : 8
Il n'est point d'eau lustrale essangeant cette tache. 12
Le fer, est sorti du fourreau ; 8
5 Nonobstant, en son lieu ne rentrera l'épée 12
Qu'après avoir trouvé son flanc, 8
Et s'être longuement trempée 8
Dans ses entrailles, dans son sang. 8
C'est en vain, quand la foule et Dieu d'intelligence 12
10 Ont cloué l'opprobre à son front, 8
Et qu'il n'est pas un seuil où ne soit la vengeance, 12
Soupesant sou glaive et l'affront. 8
Qui du glaive se sert périra par le glaive : 12
Le Christ débonnaire l'a dit. 8
15 Contre l'assassin tout se lève, 8
Et tous les hommes l'ont maudit. 8
Eh bien ! quel était donc ton erreur, ta folie, 12
Où donc s'appuyait ton espoir, 8
Pauvre et lâche marais d'une Chambre avilie, 12
20 Des rois amovible encensoir ? 8
En vain, on a voulu, d'un funéraire voile, 12
Caparaçonner ta gaîté : 8
L'œil du peuple a percé la toile, 8
Et vu ta générosité. 8
25 Ah ! générosité vraiment de circonstance, 12
Cœurs attendris bien à-propos ! 8
Ah ! vraiment, pour le bien, j'aime votre importance, 12
Que j'aime à vous trouver dispos ! 8
Vous savez les égards qu'on doit aux gentilshommes ; 12
30 Vrai Dieu ! vous êtes bien appris ; 8
A nous, ignorants que nous sommes, 8
Pardon ! nous nous étions mépris. 8
Ce n'est pas dans ces rangs qu'on cherche des victimes : 12
Leurs têtes dépassent les lois ; 8
35 Les mêmes faits qui sont pour nous complots et crimes, 12
Pour ces messieurs sont des exploits. 8
Le tribunal pour eux n'a donc rien qu'on redoute ; 12
Il est pour les hommes de rien : 8
Le bourreau n'est soldé sans doute 8
40 Que pour frapper le plébéien. 8
Malheureux !… qu'a-t-il fait ? Dans sa sombre misère 12
Il osa fausser un écu. — 8
Déjà pour le saisir le juge ouvre sa serre, 12
Déjà ce pauvre… il a vécu !… 8
45 Mais égard à qui jette injure sur injure 12
Et fléaux sur la nation, 8
Dont le fer soutient le parjure 8
Criant extermination !… 8
Non, non, cane se peut : levez vos yeux profanes ! 12
50 Voyez à l'entour du château, 8
Voyez-vous, par milliers, s'entre-choquer ces mânes 12
Qui semblent brandir un couteau ? 8
Un sceptre entre leurs mains et sous leurs dents se broie, 12
Ils évoquent le talion. 8
55 Ainsi tournant près de sa proie 8
Rugit un farouche lion. 8
C'est Berton ! bien petit au sommet de l'échelle, 12
Qui fut brave et tomba poltron ; 8
Puis ces quatre sergents, héros de la Rochelle, 12
60 Puis cet infortuné Caron ; 8
Puis, tout criblés de plomb, le fier Labédoyère, 12
Les Faucher, Mouton-Duvernet, 8
Et cet autre foudre de guerre, 8
Le malheureux maréchal Ney ! 8
65 Puis, découvrez encor ces victimes sanglantes 12
Que fit tomber l'arc Saint-Denis : 8
Hélas ! à vous venger nos haches furent lentes, 12
Martyrs, que vos noms soient bénis ! 8
Et vous, qui sur le front avez une auréole, 12
70 Vous qu'à regret la mort cueillait, 8
Salut, Farcy ! salut Arcole ! 8
Salut aux héros de juillet ! 8
Eux seuls auraient le droit de prendre la balance 12
Et d'absoudre leur assassin ; 8
75 Mais la mort est muette, et, comptant son silence, 12
Vous caressez votre dessein. 8
Mais lorsqu'ils sont tombés, ils ont crié vengeance ! 12
Vous l'avez entendu crier ? 8
Allons, un peu moins d'obligeance, 8
80 Il faut la mort au meurtrier ! 8
Ce n'est pas de cela dont votre cœur s'afflige, 12
Cœur où le Corse a mis l'effroi ; 8
A votre roi chassé rendez hommage lige, 12
Pleurez, pleurez sur votre roi. 8
85 Vous n'avez rien perdu, point d'ami, point d'amante, 12
Peu vous importent nos héros ! 8
Mais Holyrood se lamente, 8
Pleurez, pleurez sur nos bourreaux ! 8
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