Métrique en Ligne
BOR_1/BOR2
Pétrus BOREL
Rapsodies
1832
RAPSODIES
Bénoni
Sa jeunesse, qui ne fut pas toujours à l’abri du besoin,
lui fit contracter cette âpreté et cette inquiète cet
soupçonneuse irritabilité, suite infaillible, pour les âmes
fortes, de l’opposition entre la dépendance à laquelle
la nécessité es soumet, et de la liberté que demandent
les grandes pensées qui les occupent.
CONDORCET.
C’est ce qui m’a tué
Bénoni Borel.
Il dort, mon Bénoni, bien moins souffrant sans doute, 12
C’est le premier sommeil qu’aussi longtemps il goûte ; 12
Il dort depuis hier que, le regard terni, 12
Dans sa débile main il a serré la mienne, 12
5 Disant : Vous m’aimez tous ! maintenant qu’elle vienne ! 12
Il dort, mon Bénoni ! 6
Il dort, mon Bénoni ! viens le voir, il repose ; 12
Marche bien doucement, car le bruit l’indispose. 12
Viens le voir au salon d’où chacun s’est banni ; 12
10 Parlons bas, parlons bas, s’il allait nous entendre, 12
S’éveiller pour souffrir, son sommeil est si tendre ! 12
Il dort, mon Bénoni ! 6
Il dort, mon Bénoni ! de ta main inquiète 12
Relève ces rideaux ; oh ! regarde sa tête, 12
15 Vois ses grands yeux fermés, son front moins rembruni, 12
Le calme de ses traits ; tiens, le vois-tu sourire ? 12
Un doux rêve l’occupe, écoutons : il soupire 12
Il dort, mon Bénoni ! 6
Il dort, mon Bénoni ! quoi ! méchant, tu l’appelles ? 12
20 Laisse-le dans sa paix ; tu trembles, tu chancelles, 12
Tu l’embrasses, tu prends son bras qui m’a béni ! 12
Ne le réveille pas D’où naissent tes alarmes ? 12
Je vais pleurer aussi, si tu verses des larmes ? 12
Il dort, mon Bénoni ! 6
25 — Il dort, ton Bénoni ! Douce erreur que j’envie ! 12
Pauvre enfant ! ignorant le secret de la vie, 12
Son jour mélancolique avant l’heure a fini ; 12
Son Âme avait brisé son corps par la pensée, 12
Et sans être comprise aux cieux clic est passée ! 12
30 Il dort, ton Bénoni ! 6
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