Métrique en Ligne
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Pétrus BOREL
Rapsodies
1832
RAPSODIES
Prologue
À Léon Clopet, architecte.
« Voici, je m'en vais faire une chose nouvelle
qui viendra en avant ; et les bêtes des champs,
les dragons et les chats-huants me glorifieront.»
La Bible.
Quand ton Petrus ou ton Pierre 7
N'avait pas même une pierre 7
Pour se poser, l'œil tari, 7
Un clou sur un mur avare 7
5 Pour suspendre sa guitare, 7
Tu me donnas un abri. 7
Tu me dis : — Viens, mon rhapsode, 7
Viens chez moi finir ton ode ; 7
Car ton ciel n'est pas d'azur, 7
10 Ainsi que le ciel d'Homère, 7
Ou du provençal trouvère ; 7
L'air est froid, le sol est dur. 7
Paris n'a point de bocage, 7
Viens donc, je t'ouvre ma cage, 7
15 Où, pauvre, gaiement je vis ; 7
Viens, l'amitié nous rassemble, 7
Nous partagerons, ensemble, 7
Quelques grains de chenevis. 7
Tout bas, mon âme honteuse 7
20 Bénissait ta voix flatteuse 7
Qui caressait son malheur ; 7
Car toi seul, au sort austère 7
Qui m'accablait solitaire, 7
Léon, tu donnas un pleur. 7
25 Quoi ! ma franchise te blesse ? 7
Voudrais-tu que, par faiblesse, 7
On voilât sa pauvreté ? 7
Non, non, nouveau Malfilâtre, 7
Je veux, au siècle parâtre, 7
30 Étaler ma nudité ! 7
Je le veux, afin qu'on sache 7
Que je ne suis point un lâche, 7
Car j'ai deux parts de douleur 7
À ce banquet de la terre ; 7
35 Car, bien jeune, la misère 7
N'a pu briser ma verdeur. 7
Je le veux, afin qu'on sache 7
Que je n'ai que ma moustache, 7
Ma chanson et puis mon cœur, 7
40 Qui se rit de la détresse ; 7
Et que mon âme maîtresse 7
Contre tout surgit vainqueur. 7
Je le veux, afin qu'on sache, 7
Que, sans toge et sans rondache, 7
45 Ni chancelier, ni baron, 7
Je ne suis point gentilhomme, 7
Ni commis à maigre somme 7
Parodiant lord Byron. 7
À la cour, dans ses orgies, 7
50 Je n'ai point fait d'élégies, 7
Point d'hymne à la déité ; 7
Sur le flanc d'une duchesse, 7
Barbotant dans la richesse 7
De lai sur ma pauvreté. 7
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