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BEN_1/BEN87
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Le Jaloux.
STANCES.
LE déplaisir qui me combat, 8
Me fait connoître que le sage 8
Doit embrasser le célibat, 8
Et détester le mariage. 8
5 Ô que mon cœur est agité ! 8
Qu’il est remply d’inquiétudes ! 8
Ma femme a l’esprit si gâté 8
Qu’elle est l’antipode des prudes. 8
Son orgueil ne se peut guérir ; 8
10 Elle s’égale aux souveraines ; 8
Et son luxe a fait enchérir 8
La dentelle et le point de Gênes. 8
Pour éblouïr les jeunes foux 8
Et passer prés d’eux pour un Ange, 8
15 Elle a dépeuplé de bijoux 8
Les boutiques du Pont au Change. 8
La folle a si bien ménagé 8
Les doux appas de sa prunelle, 8
Que mon lit se voit assiégé 8
20 De plus de braves qu’Orbitelle. 8
Dans l’entretien de ces Vaillans, 8
Dont elle veut être adorée, 8
Son caquet prend tous les brillans 8
De l’éloquence figurée. 8
25 Ses paroles sont toutes d’or, 8
Rien n’échappe à sa Rhétorique, 8
Et Paris n’a point de Médor 8
Dont elle ne soit l’Angélique. 8
Elle me rend si malheureux, 8
30 Que mon chagrin n’a plus de bornes ; 8
Je croy qu’un peuple d’amoureux 8
Travaille à me planter des cornes. 8
Mille peurs troublent mon cerveau, 8
Dés que son page approche d’elle, 8
35 Je crains tout, même le tableau 8
Du héros peint dans ma ruelle. 8
Que je serois aimé des Cieux, 8
Si cette belle vagabonde 8
Alloit débaucher nos ayeux 8
40 Et coqueter en l’autre monde. 8
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