Métrique en Ligne
BEN_1/BEN86
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Sur une nouvelle affection,
aprés la mort d’une Maîtresse.
STANCES.
DE qui me plaindrai-je en ce jour, 8
Ou de la mort ou de l’amour, 8
Qui tous deux traversent ma vie, 8
Si les Astres infortunez 8
5 Veulent qu’au trépas de Silvie 8
Tous mes maux ne soient pas bornez ? 8
Mort aux plaisirs, vif aux douleurs, 8
Je croyois dans l’eau de mes pleurs 8
Éteindre ma vie et ma flâme ; 8
10 Quand la beauté qui m’asservit, 8
D’un regard me rendit mon âme, 8
Et de l’autre me la ravit. 8
Bel œil jadis si plein d’appas, 8
Qui dors en la nuit du trépas 8
15 Sur les bords du rivage sombre, 8
Ne trouble pas ton doux sommeil, 8
Si l’amour veut qu’au lieu d’une ombre 8
Désormais j’adore un soleil. 8
Je crus que perdant ton flambeau, 8
20 Mon cœur amoureux du tombeau 8
N’auroit des feux que de ta cendre ; 8
Et que cette noire maison 8
Où la Parque t’a fait descendre 8
Seroit mon unique prison. 8
25 Mais un seul rayon de ces yeux 8
Qui troublent la gloire des Dieux, 8
M’ôta le titre d’invincible ; 8
J’accrus ma honte en résistant, 8
Et pour n’être pas insensible 8
30 Il me falloit être inconstant. 8
Un trait de feu, m’ouvrant le sein, 8
Changea mon fidèle dessein, 8
Ma raison se trouva ravie ; 8
Je fus surpris de sa clarté, 8
35 Et contraint pour sauver ma vie, 8
D’abandonner ma liberté. 8
Source divine de mes feux, 8
Souffre l’hommage de mes vœux, 8
De mes soûpirs et de mes larmes ; 8
40 Reçois mon âme sous ta loy, 8
Et permets que j’offre à tes charmes 8
Ce qui déjà n’est plus à moy. 8
Permets qu’un misérable amant 8
Puisse être jusqu’au monument 8
45 Tributaire de ta couronne, 8
Et traite ce cœur qui se rend 8
Comme une place qui se donne, 8
Et non comme une qui se prend. 8
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