Métrique en Ligne
BEN_1/BEN70
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Plainte.
STANCES.
BEAUTÉ qui triomphez de moy, 8
Vous rêvez à je ne sçay quoy, 8
Sans qu’on puisse juger quel chagrin est le vôtre, 12
D’où viennent ces noirceurs dessus un front si doux ? 12
5 Est-ce que je suis près de vous, 8
Ou que vous êtes loin d’un autre ? 8
Oüy, ma présence vous déplaît, 8
Et mon sort, tout affreux qu’il est, 8
N’a rien qui vous surprenne et rien qui vous étonne ; 12
10 Vous ne prenez pas garde aux ennuis que je sens, 12
Et vous ne rêvez qu’aux absens, 8
Ou vous ne rêvez à personne. 8
Peut-être, en vous parlant d’un feu 8
Dont l’ardeur vous touche si peu, 8
15 Je vous ay ramené quelque image effacée, 12
Et par mon innocent et funeste entretien, 12
Un autre tourment que le mien 8
Vous est tombé dans la pensée. 8
Peut-être, quand mon œil ardent 8
20 Vous contemploit en imprudent, 8
Ce qu’en dépit de moy trop souvent il hazarde, 12
Vous disiez en vous-même, et mon cœur l’entendoit : 12
Hélas ! l’autre me regardoit, 8
Comme celuy-cy me regarde. 8
25 S’il est ainsi, j’aime bien mieux 8
Ne dire mot, baisser les yeux, 8
Et prendre une froideur qui soit comme la vôtre, 12
Que de vous mettre au point où vous étiez tantôt. 12
Hélas ! oubliez-moy plutôt, 8
30 Que de vous souvenir d’un autre. 8
logo du CRISCO logo de l'université