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BEN_1/BEN67
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Glose de Monsieur Sarrasin,
sur le Sonnet de M. de Benserade à M. Esprit.
STANCES.
MONSIEUR Esprit, de l’Oratoire, 8
Vous agissez en homme saint, 8
De couronner avecque gloire 8
Job de mille tourmens atteint. 8
5 L’Ombre de Voiture en fait bruit, 8
Et s’étant enfin résoluë 8
De vous aller voir cette nuit, 8
Vous rendra sa douleur connuë. 8
C’est une assez fâcheuse vûë, 8
10 La nuit, qu’une ombre qui se plaint. 8
Vôtre esprit craint cette venuë, 8
Et raisonnablement il craint. 8
Pour l’appaiser, d’un ton fort doux 8
Dites : J’ay fait une bévuë, 8
15 Et je vous conjure à genoux 8
Que vous n’en soyez point émûë. 8
Mettez, mettez vôtre bonnet, 8
Reprendra l’Ombre, et sans berluë 8
Examinez ce beau sonnet, 8
20 Vous verrez sa misère nuë. 8
Diriez-vous, voyant Job malade, 8
Et Benserade en son beau teint : 8
Ces vers sont faits pour Benserade, 8
Il s’est luy-même ici dépeint ? 8
25 Quoy, vous tremblez, Monsieur Esprit ! 8
Avez-vous peur que je vous tuë ? 8
De Voiture qui vous chérit 8
Accoutumez-vous à la vûë. 8
Qu’ay-je dit qui vous peut surprendre 8
30 Et faire pâlir votre teint, 8
Et que deviez-vous moins attendre 8
D’un homme qui souffre et se plaint ? 8
Un auteur qui dans son écrit 8
Comme moy, reçoit des offenses, 8
35 Souffre plus que Job ne souffrit, 8
Bien qu’il eut d’extrêmes souffrances. 8
Avec mes vers, une autre fois, 8
Ne mettez plus dans vos balances, 8
Des vers où sur des palefrois 8
40 On voit aller des patiences. 8
L’Herty, le Roy des gens qu’on lie, 8
En son temps auroit dit cela ; 8
Ne poussez pas vostre folie 8
Plus loin que la sienne n’alla. 8
45 Alors l’Ombre vous quittera 8
Pour aller voir tous vos semblables ; 8
Et puis chaque Job vous dira 8
S’il souffrit des maux incroyables. 8
Mais à propos, hier, au Parnasse, 8
50 Des sonnets Phœbus se mêla, 8
Et l’on dit que de bonne grâce 8
Il s’en plaignit, il en parla. 8
J’aime les vers des Uranins, 8
Dit-il ; mais je me donne aux diables 8
55 Si, pour les vers des Jobelins, 8
J’en connais de plus misérables. 8
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