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BEN_1/BEN60
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
À Mademoiselle de Brionne.
STANCES.
QUEL sentiment jaloux d’un état si parfait 12
Veut que vôtre repos dans un cloître se fonde ? 12
Pourquoi haïssez-vous le monde, 8
Philis, hé que vous a-t-il fait ? 8
5 Il vous a présenté ce qu’il a de plus doux, 12
Lorsque vous luy faisiez une plus rude guerre, 12
Et de tous les cœurs de la terre, 8
Pas un n’a tenu contre vous. 8
Vous ne pourrez de guère être plus près des cieux, 12
10 Quand sur cette hauteur vous serez élevée, 12
Et n’en serez pas mieux sauvée ; 8
Mais vous nous en damnerez mieux. 8
Plus on se tient couvert, plus on est recherché ; 12
Il semble que le voile embellisse les filles, 12
15 Et c’est la contrainte des grilles 8
Qui fait le ragoût du péché. 8
Loin d’être libertin, vous voyez pour quel but 12
À changer de projet ma raison vous invite, 12
Et si je vous en sollicite, 8
20 Que c’est même pour mon salut. 8
Demeurez donc au monde en un si bel état, 12
Où pourroit votre gloire être mieux signalée ? 12
Faut-il sortir de la mêlée 8
Au commencement du combat ? 8
25 À vos pieds gémiront les vices abattus 12
Dedans cette poudreuse et cettecette vaste lice 14
Où se pratique l’exercice 8
Des plus héroïques vertus. 8
Êtes-vous pas chez nous en toute sûreté, 12
30 Sans vous embarrasser d’une pénible affaire, 12
Et travailler à vous défaire 8
D’une innocente liberté ? 8
Vous avez dans le cœur un zèle assez dévot, 12
Et vôtre vertu seule assez se fortifie, 12
35 Sans que la haire mortifie 8
Une chair qui ne vous dit mot. 8
Voyez donc à loisir, et d’un esprit égal, 12
Des roses d’un côté, de l’autre des épines ; 12
Et songez qu’il est des Matines 8
40 Plus incommodes que le bal. 8
Le monde a pour vos sens des attraits superflus ; 12
Mais c’est bien mieux prouver qu’on renonce à ce maître 12
De le mépriser et d’en être, 8
Que d’y penser n’en étant plus. 8
45 Ce n’est pas pour semer un appast décevant, 12
Par où dans les filets vôtre âme s’enveloppe, 12
Mais en toute votre horoscope 8
Je ne trouve pas un couvent. 8
Il faut bien observer cette vocation, 12
50 Qui vous livre à vous-même une si prompte guerre, 12
Et voir s’il n’entre point de terre 8
Parmy sa composition. 8
Un moment de la vie établit tout le plan, 12
Et parmy de longs jours comme seront les vôtres, 12
55 Ce moment, Roy de tous les autres, 8
En est quelquefois le tyran. 8
Non, non ; tenez à Dieu, sans tenir au lien ; 12
Fuyez la volupté, les richesses, le faste ; 12
Soyez soûmise, pauvre, chaste, 8
60 Mais ne jurez jamais de rien. 8
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