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BEN_1/BEN147
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
LE CY GIST
OU Diverses Épitaphes pour toute sorte de personnes de l’un et de l’autre sexe, et pour l’Auteur même, quoique vivant.
Épitaphe de l’Auteur.
Cy gist qui fit ces vers touchant une Morale 12
Aussi triste que générale, 8
Et qui les fit pour essayer 8
De radoucir, ou d’égayer, 8
5 En quelque sorte, une matière 8
D’Épitaphe ou de Cimetière : 8
Qui n’est pas défunt, mais qui dort, 8
Apprenant à mourir auparavant qu’il meure, 12
Et qui s’est enterré luy-même de bonne heure, 12
10 Pour voir ce qu’on diroit de luy, s’il estoit mort. 12
S’imagine-t-il qu’on le pleure, 8
Ou qu’on s’en soucie ? il a tort. 8
Que tous ceux qui peu s’en affligent 8
Ne lui disent mot, le négligent ; 8
15 Tel est-il pour eux aujourd’huy, 8
Il garde le même silence, 8
Et leur rend toute l’indolence 8
Qu’ils affectent d’avoir pour luy. 8
Autour de sa personne est la foule éclaircie 12
20 De ces amis de Cour, bruyans, tumultueux, 12
Faibles, peu chauds, mais fastueux, 8
Et la pierre qu’il croit avoir dans la vessie 12
Luy semble encor moins dure qu’eux ; 8
Durs, la pluspart comme gens belliqueux. 10
25 Envisageant son dernier terme, 8
Il n’est pas moins gay qu’il est ferme : 8
On diroit que la mort luy cause peu d’effroy, 12
À son stile, comme à sa mine ; 8
Et qui la sent si prés de soy, 8
30 Qui la taste, qui l’examine, 8
Doit bien être enjoué, du moment qu’il badine 12
Avec une telle voisine. 8
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