III |
La Douleur de Moumoute |
Qu'a donc l'ombre d'Allah ! |
V. HUGO, Orientales.
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Qu'a Moumoute, aujourd'hui ? disait son entourage ; |
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Elle est triste, elle n'a pas de cœur à l'ouvrage. |
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Elle ne veut point voir son large canapé. |
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Aurait-elle perdu ses valeurs à la Bourse ? |
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— On a vu le Jourdain remonter vers sa source. |
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Pourquoi ce front préoccupé ? |
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Qu'a la belle, ce soir ? que sa porte est fermée, |
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Disaient les boudinés, la prunelle allumée ; |
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Il paraît qu'elle est sombre et pleure abondamment. |
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Ceux qu'elle ruina lui cherchent-ils querelle ? |
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Les spectres blancs des fous, qui moururent pour elle, |
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Sont-ils venus danser dans son appartement ? |
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Qu'a-t-elle ? demandait sa compagne fidèle ; |
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Celui qu'elle préfère a-t-il donc fait fi d'elle ? |
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Dans ses beaux cheveux noirs vit-elle des fils blancs ? |
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Qui la peut égaler dans l'une et l'autre garde ? |
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Elle est éblouissante et, tout Paris regarde, |
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En tremblant, ses grands yeux troublants ! |
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Qu'a Vénus ? s'exclamait un poète lyrique : |
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Pourquoi ce deuil, pourquoi cet air mélancolique ? |
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A-t-elle lu des vers de monsieur Legouvé ? |
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Quel nuage est venu troubler ce ciel d'opale ? |
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Sa paupière est bien rouge et son front est bien pâle ! |
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Et tous cherchent. Hélas ! aucun d'eux n'a trouvé. |
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Si la belle qui fait dresser toutes les têtes |
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A, depuis trois longs jours, abandonné les fêtes |
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Et les bals, et le lac, et ses plus chers travaux ; |
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Ce n'est pas qu'elle ait vu diminuer sa rente. |
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Un protecteur s'en va qu'il en arrive trente, |
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Tous pleins d'ardeurs et tous rivaux ! |
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Son chéri ne l'a pas encore abandonnée. |
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Non, celui qu'elle dore a, toute la journée |
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Murmuré les propos les plus tendres, en vain, |
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L'argent ne tache pas sa chevelure noire |
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La lyre et le pinceau disent partout sa gloire ; |
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On vient de la mouler, en cire, pour Grévin ! |
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Ce ne sont pas, non plus, des figures funèbres |
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Qui, brillant dans sa chambre au milieu des ténèbres, |
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Ont laissé dans son âme un terrible remord. |
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Elle n'a jamais lu Legouvé, — même en rêve. |
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— Pourquoi cette douleur qui l'obsède, sans trêve ? |
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— Son bichon de Havane est mort ! |
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Octobre 1883.
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