Métrique en Ligne
BCH_1/BCH83
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
II
LA MORT DE L'AMOUR
XXIX
Il me semblait qu'une femme inconnue
Avait pris par hasard cette voix et ces yeux ;
Et je laissai passer cette froide statue
En regardant les cieux.
A. DE MUSSET.
Bonsoir ! Et pourquoi donc me regarder ainsi ?. 12
C'est bien toi, n'est-ce pas, qui m'aimes'et que j'aime. 12
L'heure du rendez-vous a sonné ; c'est ici 12
Que l'on s'est tant aimé, lors de la nuit suprême. 12
5 N'entends-tu pas chanter le rossignol des bois ? 12
N'entends-tu pas gémir les flots pleins de tristesse ? 12
Et dans le vent des cieux, dans le vent d'autrefois, 12
N'entends-tu pas chanter nos baisers de jeunesse ? 12
Peut-être est-ce un fantôme ironique et moqueur 12
10 Qui tout à coup a pris la forme de l'aimée, 12
Et qui vient voir s'il reste une corde à mon cœur 12
Pour la faire vibrer dans la nuit parfumée ? 12
Si je ne te dis rien, est-ce ma faute, à moi ? 12
Quand je te parle, enfant, tu demeures muette ; 12
15 Et me sentant glacer par un mortel effroi, 12
Hélas ! je ne suis plus amoureux ni poëte. 12
Ah ! si ce n'est pas toi que j'ai devant les yeux, 12
Pourquoi ce battement de cœur ? Quelle folie, 12
Quand l'heure de l'amour est remontée aux cieux, 12
20 De tendre à ses baisers une lèvre pâlie ! 12
Vous ne reviendrez plus, beaux songes, visions 12
Qui nous illuminaient les sombres nuits farouches ; 12
O paroles d'amour qu'au vent nous dispersions, 12
Vous ne reviendrez plus murmurer sur nos bouches 12
25 Pourtant, rien n'est changé : douce et pâle toujours, 12
La lune a conservé sa féerie et ses charmes, 12
Et j'ai là devant moi l'Ombre de mes amours 12
Qui me glace le cœur et qui sèche mes larmes. 12
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