Métrique en Ligne
BCH_1/BCH69
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
II
LA MORT DE L'AMOUR
XVIII
Tout m'obsède. Le bruit incessant des voitures, 12
Les jurons, la chanson venue on ne sait d'où 12
Et la gaîté me sont un millier de tortures, 12
Et la pluie éternelle un jour me rendra fou. 12
5 Je suis comme Ariel un esclave, et de force 12
Dans un déguisement monstrueux enfermé : 12
Je veux me dépouiller de cette affreuse écorce 12
Et me sentir en fleur comme un arbre de mai. 12
Mon cœur étouffe. En mer, en mer, hissez les voiles ! 12
10 Je veux m'en retourner au pays de l'amour, 12
Des charmants souvenirs et des belles étoiles 12
Qui sont des diamants sur un fond de velours. 12
Dans les sentiers lilas et roses 8
Que décore le mois d'avril, 8
15 O saison des métamorphoses, 8
Tu me verras, venant d'exil. 8
Si tu me trouves quelques rides, 8
C'est que par les matins arides 8
Le souci labourait mon front ; 8
20 Mais mon âme est si jeune encore 8
Que ma jeunesse et ton aurore 8
Ensemble s'épanouiront. 8
Le printemps nous rit et nous flatte ; 8
N'est-il pas encore dans l'air 8
25 De ces odeurs si délicates 8
Qui, pénétrant plus que la chair, 8
Savent évoquer de nous-mêmes 8
Tous les souvenirs que l'on aime ; 8
Et qui, du langoureux hiver 8
30 Chassant la tristesse et la brume, 8
Nous font retrouver l'amertume 8
Et le goût des baisers d'hier ? 8
Dans le même chemin paisible 8
Où notre insoucieux esprit 8
35 Regarde en riant l'impossible 8
Comme un vieux fou que l'on chérit, 8
Chemin que nous suivions naguère 8
Dans notre gaîté printanière — 8
J'irai de nouveau retrouver 8
40 Mes plus douces mélancolies, 8
Et je ne sais point de folies 8
Dont je ne puisse pas rêver ! 8
logo du CRISCO logo de l'université