Métrique en Ligne
BCH_1/BCH36
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
I
LA FLEUR DES EAUX
XXXV
N'as-tu pas des frissons parfois ? 8
Ne sens-tu pas l'âme des bois 8
Se glisser dans ta chair frileuse, 8
Et, sinistre, pour te parler 8
5 Le vent des montagnes souffler 8
Dans ta chevelure houleuse ? 8
Que le monde est terrible et grand ! 8
Mon esprit s'épouvante, errant 8
Parmi la blanche horreur des pôles… 8
10 L'air est aussi doux qu'un baiser ; 8
Mais ne sentons-nous pas peser 8
L'atmosphère sur nos épaules ? 8
Deux pauvres petits amoureux 8
Cheminent dans un sentier creux, 8
15 Riant, trempés par la rosée 8
Dont le soleil fait des rubis ; 8
Et tout le long de leurs habits 8
S'égoutte une pluie irisée. 8
Vois-tu partout où nous passons 8
20 S'écarter les branches ? Buissons, 8
Taillis épineux, sombres haies 8
Qu'ensanglante la mûre, et fleurs 8
De toutes sortes de couleurs 8
Te savent amoureuse et gaie. 8
25 Mais le ciel nous regarde et suit 8
De son œil terrible qui luit 8
Nos gaîtés et nos rêveries. 8
Oh ! baise-moi longtemps, longtemps ; 8
Je veux, le cœur soûl de printemps, 8
30 Que dans les yeux tu me souries. 8
Ton parfum seul peut me guérir 8
Du mal d'ennui qui fait mourir, 8
Dont je suis la proie et la dupe 8
Je veux, muet, agenouillé, 8
35 Le front dans ta robe noyé, 8
T'embrasser à travers tes jupes. 8
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