Métrique en Ligne
BCH_1/BCH35
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
I
LA FLEUR DES EAUX
XXXIV
Ils sont morts jusqu'à l'âme, ils sont anéantis.
(SULLY PRUDHOMME.)
Et nous coucher ensemble, immobiles et froids, 12
Nous étant plus aimés que les héros célèbres, 12
Et toujours égrenant avec nos maigres doigts 12
Le rosaire glacé des bonheurs d'autrefois, 12
5 Dans notre lit muet d'éternelles ténèbres. 12
Ah ! quelle volonté pourrait nous réveiller ? 12
Rien ne saurait tenter notre chair assouvie. 12
La trompette d'airain du jugement dernier 12
Ne ferait pas dresser nos fronts sur l'oreiller ; 12
10 Rien ne vivrait pour nous que l'ombre de la vie. 12
Nous n'aurions pas souci des lis nobles et purs, 12
Des immortelles d'or et des tendres pensées 12
Qui s'épanouiraient sur nos réduits obscurs ; 12
Et, dédaigneux du bruit et des soleils futurs, 12
15 Nous nous réfugirions dans les gloires passées. 12
Car, vois-tu, nous aurions vécu jusqu'à mourir, 12
Car pour vivifier nos âmes épuisées 12
Nous aurions desséché les sources du désir ; 12
Et pour que nos deux cœurs pussent encor fleurir, 12
20 Où seraient le soleil, l'azur et la rosée ? 12
logo du CRISCO logo de l'université