Métrique en Ligne
BCH_1/BCH129
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
III
L'AMOUR DIVIN
XXXI
Je suis donc enfermé dans cette étroite chambre. 12
J'ai vu les ciels lointains dont le bleu velouté 12
S'empourprait au couchant glorieux de septembre, 12
Et la houle des mers sans fin m'a ballotté. 12
5 Mes rêves ont marché comme des hommes ivres, 12
Je n'ai plus d'espérance et je n'ai plus d'amour ! 12
Ici j'ai retrouvé des plumes et des livres, 12
Mais nul baiser de paix n'a fêté mon retour. 12
O nature, chimère atroce et décevante ! 12
10 Comme une perle, j'ai cherché ce Dieu rêvé : 12
Mais je suis revenu tout pâle d'épouvante, 12
Car j'ai fouillé le gouffre et je n'ai rien trouvé. 12
Je croyais, ô nature indiciblement belle, 12
Que tu me bercerais dans tes bras jour et nuit, 12
15 Et j'entendais ta voix — car ta voix nous appelle 12
Pour nous laisser mourir de douleur et d'ennui. 12
Tu sais que j'ai saigné d'une large blessure, 12
Et je te demandais le sommeil et l'oubli ! 12
Mais j'aurais mieux aimé, marâtre, sois-en sûre, 12
20 Me coucher au tombeau que d'entrer dans ton lit. 12
Enfin, tant pis. J'ai vu des prés, des bois, des roses, 12
J'ai vu rouler la mer, et la terre fleurir : 12
Mais je n'ai jamais vu que d'insensibles choses 12
Dont l'âme était partie, et vivant pour mourir. 12
logo du CRISCO logo de l'université