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BCH_1/BCH128
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
III
L'AMOUR DIVIN
XXX
Vin de topaze, d'or, de rubis, d'améthyste, 12
O recours éternel des désespoirs humains ! 12
Je t'appelle, je prends la bouteille à deux mains : 12
Coule dans ma poitrine, ô vin joyeux ou triste ! 12
5 Va-t'en jusqu'à mon cœur, mon lamentable cœur, 12
Berce-le dans tes flots, tant mieux si tu le noies ! 12
Et fais chanter en moi le souvenir des joies 12
Dont m'emplissait jadis ta puissante liqueur. 12
Monte jusqu'à ma tête, et que ma tête flambe ; 12
10 Fais comme deux charbons étinceler mes yeux ; 12
Donne-moi la folie et l'ivresse des dieux, 12
Que je puisse hurler un dernier dithyrambe. 12
Je suis triste à mourir, triste comme la nuit. 12
Mais n'es-tu pas le fils de l'ardente lumière ? 12
15 Rends-moi donc ma jeunesse et ma force première, 12
Chasse le cauchemar qui toujours me poursuit. 12
Coule à flots, resplendis dans le cristal des verres, 12
Que les verres choqués sonnent joyeusement ; 12
Et que mon front s'empourpre à ton rayonnement, 12
20 O vin, dernier recours des humaines misères ! 12
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