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BCH_1/BCH118
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
III
L'AMOUR DIVIN
XX
My native land, good night.
BYRON.
Éteignant ses pâles étoiles, 8
Rougit le ciel oriental ; 8
Le vent de mer' gonfle nos voiles 8
Pour quitter le pays natal. 8
5 Sachant comme le sort est traître, 8
Je vais aller au cabaret 8
Pour la dernière fois peut-être 8
Boire un verre de vin clairet. 8
Ce soir donc, je suis ma fortune 8
10 Au caprice léger du flot, 8
Et je regarderai la lune 8
Battre des entrechats sur l'eau. 8
La vie, ah ! c'est une misère 8
Pour qui vit ses rêves trahis ! 8
15 Et cependant mon cœur se serre 8
En quittant le sol du pays. 8
Mais je suis las de vivre à l'aise 8
Sous notre ciel toujours clément, 8
Et je veux dans la brume anglaise 8
20 Voguer mélancoliquement. 8
Or, avant que le soir ne vienne, 8
Tavernier qui ne comprends pas, — 8
Je veux te raconter ma peine 8
Et pourquoi je m'en vais là-bas. 8
25 Sache donc qu'une matinée 8
On me vit tomber amoureux, 8
Et que pendant toute une année 8
Je vécus comme un bienheureux. 8
Mais tout au monde est périssable ; 8
30 Depuis que mon amour a fui, 8
Mes jours, comme des grains de sable, 8
Roulent au souffle de l'ennui. 8
A présent, je ne vois personne, 8
Je suis triste et je me souviens !… 8
35 Mais j'entends la cloche qui sonne, 8
Je finirai si je reviens. 8
A l'heure de la marée haute 8
Nous sommes partis : c'est fini. 8
On voit le sommet de la côte 8
40 D'un rayon de lune jauni. 8
Tout s'efface. A travers le monde 8
Je vais promener mon ennui, — 8
Ou me coucher sous l'eau profonde… 8
Mon pays natal, bonne nuit ! 8
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