Métrique en Ligne
BAY_1/BAY8
corpus Pamela Puntel
Hippolyte BAYE
LA FRONTIÈRE
ESSAIS DE POÉSIES
1871
LA VOIX DES RUINES
Des murs flottants comme des ombres ; 8
Des poutres, des fers, des tronçons ; 8
Le silence sur ces décombres : 8
Plus de meunier, plus de chansons. 8
5 Là-bas, une ronce ennemie 8
Enlace l'ailette endormie 8
Et-sur les monceaux va grimpant 8
Au lieu du babil de la roue, 8
Un filet d'eau, rauque, s'enroue, 8
10 Troublé par le lézard rampant. 8
Moulin, meunier, meunière, 6
Qui donc vous a fait taire 6
Pour toujours à la fois ? 6
C'est encore la guerre, 6
15 Invention des rois. 6
Deux princes, sinistres comètes, 8
Ici, se heurtèrent un jour. 8
Le chaos, roulant sur nos têtes, 8
Ébranla cet obscur séjour. 8
20 Voués à la grande hécatombe, 8
Les époux dans la même tombe 8
Tombèrent frappés du canon ; 8
Et lorsque s'exhalait leur âme, 8
Chez eux, par le fer et la flamme, 8
25 Un conquérant gravait son nom. 8
Ce fléau séculaire 6
Dans sa seule colère 6
Puise en tout temps ses droits. 6
Tout broyer par la guerre, 6
30 C'est le plaisir des rois. 6
Quelle demeure hospitalière ! 8
De la main qui les nourrissait, 8
Des oiseaux l'aile familière 8
Ne craignait fusil ni lacet. 8
35 Où donc es-tu, troupe infidèle ? 8
Quoi ! déjà la tendre hirondelle 8
A d'autres murs porte son nid. 8
Oui, la meunière inconsolée 8
Ne Verrait plus dans la vallée 8
40 Les pigeons qu'elle y réunit. 8
Cette tribu légère, 6
De la paix messagère, 6
Se plonge au fond des bois. 6
Car elle hait la guerre 6
45 Et les foudres des rois. 6
Mon enfance, qui fut voisine 8
Du chaume plus que du château, 8
Reçut du meunier sans lésine 8
Fraîches cerises, blanc gâteau. 8
50 Comment payer ma vieille joie ? 8
Paix est due à celui qui choie 8
Tout être humain faible ou petit. 8
Mais quand la force partout gronde, 8
Le bien semé parmi le monde 8
55 Ne sauve ni ne garantit. 8
Ils sont là sous la terre 6
De ce pré solitaire 6
Où se penche une croix. 6
C'est l’œuvre de la guerre, 6
60 C'est l'ouvrage des rois ! 6
Pauvres gens ! l'histoire abandonne 8
Vos noms à l'oubli détesté, 8
Elle qui tresse une couronne 8
Aux bourreaux de la Liberté. 8
65 Votre meurtre, nul ne l'expie. 8
Aux sons d'une fanfare impie, 8
Vos mânes frémissent encor. 8
— Juste Dieu ! cessez donc d'absoudre 8
Les criminels qui, noirs de poudre, 8
70 Tachent de sang leurs trônes d'or ! 8
Faites sur notre sphère, 6
Aux éclats du tonnerre, 6
Descendre cette voix : 6
« Maudite soit la guerre ! 6
75 « Et maudits tous les rois ! 6
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