Métrique en Ligne
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corpus Pamela Puntel
Hippolyte BAYE
LA FRONTIÈRE
ESSAIS DE POÉSIES
1871
LE CHEVAL ET LE CAVALIER
BALLADE1
« En avant !… » et dans la mêlée, 8
Le colonel, l'épée au vent, 8
Guide la colonne ébranlée 8
Qui gronde et s'écrie : « En avant ! » 8
5 Dédaigneux d'effleurer la terre, 8
Fendant l'air d'un front familier, 8
Voyez bondir vers le cratère 8
Le cheval et le cavalier ! 8
Ils volent : l'audace les mène. 8
10 Les tranchants tombent sans remords. 8
Le bruit de la tempête humaine 8
Trouble jusqu'au monde des morts. 8
Contre les fers et les cartouches, 8
Là, ni rempart, ni bouclier. 8
15 Mais qu'importe aux élans farouches 8
Du cheval et du cavalier ! 8
Dans la flamme un globe sonore 8
Monte et se fraie un long chemin. 8
Le sanglant et lourd météore 8
20 Fait pleuvoir partout du carmin. 8
Malheur ! un double cri d'angoisse 8
Répond à l'éclair meurtrier… 8
Le tourbillon poursuit et froisse 8
Le cheval et le cavalier. 8
25 Les morts rapides sont sereines. 8
Le soldat semblait endormi : 8
De la main, il serrait les rênes, 8
De l’œil, il cherchait l'ennemi. 8
Son compagnon dans les batailles 8
30 Agonise sur le hallier. 8
Le canon tinte aux funérailles 8
Du cheval et du cavalier. 8
Noble animal ! la douleur ronge 8
Tes flancs par l'obus entr'ouverts. 8
35 Pourtant tu lèches, comme en songe, 8
Les pleurs taris des gazons verts. 8
Vivras-tu ? De ta riche veine 8
Perdras-tu le trésor entier ? 8
Toute espérance est-elle vaine ? 8
40 Vas-tu suivre ton cavalier ? 8
Mais ton jarret souple et rapide 8
Bat l'air, tressaille et se roidit. 8
Sur ton œil jadis intrépide 8
La Mort étend son doigt maudit. 8
45 Tout est fini ! Plus rien ne bouge 8
A ton col vierge du collier. 8
Dormez sous votre linceul rouge, 8
Dormez, cheval et cavalier. 8
S'il est une sphère invisible 8
50 Dont nul hôte ne doit périr, 8
Qu'elle soit bientôt accessible 8
Au couple qui sort de mourir. 8
Dieu du monde, vaste génie 8
De ce séjour hospitalier, 8
55 Dans cette existence infinie 8
Joins le cheval au cavalier. 8
Là, dans leur dernière patrie, 8
Là, par un éternel printemps, 8
Le long d'une molle prairie, 8
60 Qu'ils bondissent, les combattants ! 8
Qu'un seul souvenir les escorte, 8
Le seul qui ne doit s'oublier : 8
Celui de l'amitié que porte 8
A son cheval le cavalier. 8
Écrit en souvenir de la charge des cuirassiers
au Mont-de-Breune, près de Mouzon.
(Journée du 30 août 1870.)
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