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BAU_1/BAU93
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
TABLEAUX PARISIENS
LXXXIX
Paysage
Je veux, pour composer chastement mes églogues, 12
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues, 12
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant 12
Leurs hymnes solennels emportés par le vent. 12
5 Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde, 12
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ; 12
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité, 12
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité. 12
Il est doux, à travers les brumes, de voir naître 12
10 L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre, 12
Les fleuves de charbon monter au firmament 12
Et la lune verser son pâle enchantement. 12
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ; 12
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones, 12
15 Je fermerai partout portières et volets 12
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais. 12
Alors je rêverai des horizons bleuâtres, 12
Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres, 12
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin, 12
20 Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin. 12
L’Émeute, tempêtant vainement à ma vitre, 12
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ; 12
Car je serai plongé dans cette volupté 12
D’évoquer le Printemps avec ma volonté, 12
25 De tirer un soleil de mon cœur, et de faire 12
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère. 12
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