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BAU_1/BAU91
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
SPLEEN ET IDÉAL
LXXXVII
L’Irrémédiable
I
Une Idée, une Forme, un Être 8
Parti de l’azur et tombé 8
Dans un Styx bourbeux et plombé 8
Où nul œil du Ciel ne pénètre ; 8
5 Un Ange, imprudent voyageur 8
Qu’a tenté l’amour du difforme, 8
Au fond d’un cauchemar énorme 8
Se débattant comme un nageur, 8
Et luttant, angoisses funèbres ! 8
10 Contre un gigantesque remous 8
Qui va chantant comme les fous 8
Et pirouettant dans les ténèbres ; 8
Un malheureux ensorcelé 8
Dans ses tâtonnements futiles, 8
15 Pour fuir d’un lieu plein de reptiles, 8
Cherchant la lumière et la clé ; 8
Un damné descendant sans lampe, 8
Au bord d’un gouffre dont l’odeur 8
Trahit l’humide profondeur, 8
20 D’éternels escaliers sans rampe, 8
Où veillent des monstres visqueux 8
Dont les larges yeux de phosphore 8
Font une nuit plus noire encore 8
Et ne rendent visible qu’eux ; 8
25 Un navire pris dans le pôle, 8
Comme en un piège de cristal, 8
Cherchant par quel détroit fatal 8
Il est tombé dans cette geôle ; 8
— Emblèmes nets, tableau parfait 8
30 D’une fortune irrémédiable, 8
Qui donne à penser que le Diable 8
Fait toujours bien tout ce qu’il fait ! 8
II
Tête-à-tête sombre et limpide 8
Qu’un cœur devenu son miroir ! 8
35 Puits de Vérité, clair et noir, 8
Où tremble une étoile livide, 8
Un phare ironique, infernal, 8
Flambeau des grâces sataniques, 8
Soulagement et gloire uniques, 8
40 — La conscience dans le Mal ! 8
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