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Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
SPLEEN ET IDÉAL
XLVI
À celle qui est trop gaie
Ta tête, ton geste, ton air 8
Sont beaux comme un beau paysage ; 8
Le rire joue en ton visage 8
Comme un vent frais dans un ciel clair. 8
5 Le passant chagrin que tu frôles 8
Est ébloui par la santé 8
Qui jaillit comme une clarté 8
De tes bras et de tes épaules. 8
Les retentissantes couleurs 8
10 Dont tu parsèmes tes toilettes 8
Jettent dans l'esprit des poètes 8
L'image d'un ballet de fleurs. 8
Ces robes folles sont l'emblème 8
De ton esprit bariolé ; 8
15 Folle dont je suis affolé, 8
Je te hais autant que je t'aime ! 8
Quelquefois dans un beau jardin 8
Où je traînais mon atonie, 8
J'ai senti, comme une ironie 8
20 Le soleil déchirer mon sein ; 8
Et le printemps et la verdure 8
Ont tant humilié mon cœur, 8
Que j'ai puni sur une fleur 8
L'insolence de la nature. 8
25 Ainsi je voudrais, une nuit, 8
Quand l'heure des voluptés sonne, 8
Vers les trésors de ta personne 8
Comme un lâche, ramper sans bruit, 8
Pour châtier ta chair joyeuse, 8
30 Pour meurtrir ton sein pardonné, 8
Et faire à ton flanc étonné 8
Une blessure large et creuse, 8
Et, vertigineuse douceur ! 8
A travers ces lèvres nouvelles, 8
35 Plus éclatantes et plus belles, 8
T'infuser mon venin, ma sœur ! 8
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