Métrique en Ligne
BAU_1/BAU125
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
FLEURS DU MAL
CXXI
Les métamorphoses du vampire
La femme cependant, de sa bouche de fraise, 12
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise, 12
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc, 12
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc : 12
5 — « Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science 12
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience. 12
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants, 12
Et fais rire les vieux du rire des enfants. 12
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles, 12
10 La lune, le soleil, le ciel et les étoiles ! 12
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés, 12
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés, 12
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste, 12
Timide et libertine, et fragile et robuste, 12
15 Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi, 12
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! » 12
Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle, 12
Et que languissamment je me tournai vers elle 12
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus 12
20 Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus ! 12
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante, 12
Et quand je les rouvris à la clarté vivante, 12
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant 12
Qui semblait avoir fait provision de sang, 12
25 Tremblaient confusément des débris de squelette, 12
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette 12
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer, 12
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver. 12
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